dimanche 6 décembre 2009

L’histoire-géographie au lycée : quelques principes de vigilance sur la réforme en cours par le CVUH


La réforme présentée par Luc Chatel est de bien mauvais augure pour l’enseignement de l’histoire-géographie au lycée. Et le problème ne se limite pas à la suppression de son enseignement obligatoire en Terminale scientifique, qui a jusqu’à présent concentré l’attention des premières critiques. L’enjeu est beaucoup plus lourd de sens pour l’avenir de nos disciplines.
Cette décision rompant avec une longue tradition nationale de l’enseignement de l’histoire et de la géographie pour tous les élèves du primaire jusqu’au lycée, y compris professionnel, nous est présentée comme une volonté de valoriser les autres filières, de mieux préparer les lycéens aux carrières scientifiques et, plus globalement, d’articuler davantage le secondaire au supérieur. Mais le ministère se livre à une communication mensongère. À première vue, qui pourrait sérieusement s’opposer à un objectif aussi urgent que louable ? C’était déjà la volonté des précédentes réformes. Elles ont toutes échoué car, comme dans cette dernière mouture, cette articulation n’est restée qu’un slogan. Par ailleurs, cette suppression semble ignorer totalement que nombre de bacheliers scientifiques s’orientent ensuite vers des études où l’histoire et la géographie sont loin d’être négligeables. On propose alors aux candidats à Sciences Po ou aux classes préparatoires littéraires ou commerciales un enseignement « optionnel » de l’histoire-géographie. Mais les autres ? Faudrait-il les priver de toute possibilité d’études de sciences humaines ou sociales à l’université ?

Cette réforme, mal ficelée et vendue par une opération de marketing politique, ne tient pas compte du réel. Il n’existe à ce jour aucune concertation entre les enseignements secondaire et supérieur sur une éventuelle continuité pédagogique, ni sur une mise en commun de méthodes ou d’outils de travail. Bien au contraire : en imposant à toutes les Terminales un programme allant de 1989 à nos jours (propositions ministérielles), on prononcerait tout simplement l’arrêt de mort de l’histoire-géographie, ainsi ravalée au mieux à l’étude du temps présent, au pire à un simple commentaire d’actualité. Ce projet masque à peine la volonté du gouvernement de transformer l’enseignement de l’histoire en didactique d’un passé le plus récent possible, afin d’ôter la distance nécessaire à toute réflexion sur l’organisation du savoir historique où temps et espace sont étroitement mêlés. D’où une hémorragie à craindre dans le supérieur en termes d’effectifs et de vocations !

La condensation des programmes sur deux ans, entre la seconde et la première, qui résultera nécessairement d’une telle disparition, appelle également à la vigilance. Quels moments historiques, quelles aires culturelles sortiront rescapés d’une telle compression ? Dans le contexte d’instrumentalisation politique du passé que l’on connaît actuellement, de quelles garanties dispose-t-on pour qu’une telle simplification ne vienne pas couronner les tentations de l’ethnocentrisme, du recours à l’émotion facile ou du devoir de mémoire téléguidé depuis le sommet de l’État ? Comment ne pas craindre que cette histoire, réduite à une peau de chagrin, ne fasse passer l’événementiel avant l’esprit critique ?

Le ministère se donne deux mois pour élaborer de nouveaux programmes. On imagine que leur confection, menée tambour battant pour des raisons politiques, ne s’embarrassera pas beaucoup de la consultation des enseignants. Plutôt que de mettre publiquement en scène la punition des fonctionnaires « désobéisseurs », plutôt que de traiter les enseignants en spectateurs d’injonctions non négociées, le ministère devrait les considérer pour ce qu’ils sont avant toute chose : des acteurs du système éducatif.

Privilégier les méthodes ? Mais la suppression des modules en classe de seconde contredit des décennies de modernisation et d’innovation pédagogiques. Elle rétablit une école d’un autre âge, celle du cours magistral, dans lequel le professeur, réinvesti d’une autorité patriarcale, délivre le savoir à des élèves collectivement infantilisés.
De cette réforme il y a donc peu de raison de se réjouir et au contraire beaucoup de s’inquiéter. Comme d’autres qui l’ont précédée, elle n’atteindra pas les objectifs qu’elle affiche car ces derniers ne sont qu’un écran de fumée. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que, derrière la façade des justifications pour la réussite, la véritable raison d’être de cet ensemble de mesures est d’ordre strictement budgétaire. C’est la même logique que celle qui préside à la réforme de l’université, à la destruction de la formation des enseignants et à son remplacement par des masters professionnalisants, dont les titulaires serviront de main d’œuvre mal payée pour combler les besoins provoqués par la suppression massive des postes d’enseignants du Secondaire.

Mais l’histoire et la géographie ne sont pas seulement les victimes collatérales de cette logique comptable et d’une vision très rétrograde du rôle de l’école. Au-delà, comme nos collègues de Sciences économiques et sociales, nous pensons que les réformes annoncées font fi du rôle des sciences humaines et sociales dans l’éducation de nos futures générations : sous le prétexte de professionnaliser l’enseignement, c’est l’apprentissage d’une citoyenneté critique et de la culture humaniste qui, une fois de plus, se voit sacrifié sur l’autel de l’utilité et de la rentabilité à courte vue.


Le CVUH (comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire)

jeudi 3 décembre 2009

« En revenir à « l’origine » de la citoyenneté » par Michèle Riot-Sarcey


« En revenir à « l’origine » de la citoyenneté » écrit Michèle Riot-Sarcey… Voilà bien la seule quête des origines que nous estimons politiquement nécessaire, et surtout urgente. Les usages de l’histoire ne doivent pas servir à dessiner les contours d’une « identité nationale » figée dans le marbre blanc. Car s’appesantir sur son appartenance accule à la passivité politique et détourne de l’action. Au contraire, un regard sur le passé révolutionnaire et républicain, permettant d’en retrouver les enjeux véritables pour le présent, aidera à retrouver les fondements d’une véritable citoyenneté critique, celle qui irrigue tout débat démocratique digne de ce nom, celle qui donne du sens au principe de l’engagement.
Comment qualifieriez-vous la conception de la Nation promue par Eric Besson et Nicolas Sarkozy ?
Depuis la Révolution Française, le concept de Nation n’a cessé de servir tous les pouvoirs. Ceux-ci s’y réfèrent dès qu’ils sont en difficulté. C’est un moyen relativement commode de créer une unité factice, en entraînant la population dans une unité abstraite regroupée autour d’une reconnaissance virtuelle et exclusive. De ce point de vue, le gouvernement actuel n’innove pas : dans une période de désenchantement, il cherche à masquer les inégalités criantes en faisant oublier son incapacité à affronter les dysfonctionnements du système. La discussion sur l’identité nationale ne fait illusion qu’auprès de ceux qui veulent croire à la facticité des choses.

Peut-on voir dans le repli sur l’identité nationale la conséquence d’un appauvrissement de l’idée de République ?
Je ne sais pas si l’on doit parler d’un appauvrissement de l’idée de République. Ce qui est certain, c’est que ce terme, comme celui de Nation, a été utilisé par tous les pouvoirs, dans les conditions les plus conflictuelles (Révolution française, 1848, etc...) et les plus dramatiques (la Terreur en 1793...). On connaît l’étymologie du terme - res publica (chose publique) - mais cette notion n’a de sens que si elle est fondée sur un contenu précis, une démocratie réelle dans laquelle le citoyen détient effectivement une « part de souverain ». Le véritable enjeu est là : quels sont aujourd’hui les dispositifs permettant à la population de contrôler l’usage de la souveraineté ponctuellement déléguée à telle ou telle fraction de la classe politique ? République et démocratie représentative se confondent à travers la délégation de pouvoir confisquée par des professionnels de la politique. Or, la population s’est fortement politisée ces dernières années, en usant des nouveaux moyens de communication et d’information à sa disposition. La frustration n’en est que plus grande. Les professionnels de la politique se réfugient dans l’invocation des traditions républicaines pour tenter de légitimer leur pouvoir. Mais c’est de la pratique républicaine qu’il faudrait parler, pour avoir une approche complète de ces traditions. En 1848, par exemple, certains aspiraient à la République démocratique et sociale. Cet espoir reposait sur l’expérience des associations ouvrières, qui cherchaient à concrétiser les mots de la devise républicaine : « liberté, égalité, fraternité ». C’est ce souffle qui doit être retrouvé aujourd’hui.

Les fondements de la citoyenneté ne sont-ils pas sapés par l’individualisme libéral dominant ?
Je ne pense pas que les individus soient complètement pris dans les rets du libéralisme. Le problème est davantage structurel : dans le contexte de la crise économique, qui a commencé par une crise financière, chaque individu se trouve confronté à des réalités qui le dépassent. Chacun, isolément, éprouve un sentiment d’impuissance, aggravé par la surdité du pouvoir actuel. Cette donnée cœxiste avec la forte politisation dont je viens de parler. Partout, dans des espaces les plus inattendus, la parole critique se développe, particulièrement dans les interstices d’un système pseudo démocratique. À chaque instant, en deçà des effets de modes, les individus se détournent du savoir convenu en cherchant tout bonnement à comprendre le monde dans lequel les pouvoirs cherchent à les enserrer. Mais ces espaces très singuliers, dans des enjeux locaux par exemple, échappent à la sagacité des autorités censées mesurer l’opinion publique. Ces dernières sont dans l’incapacité de saisir ce que souhaite la population dans son ensemble. Du coup, le pouvoir mobilise « l’opinion publique républicaine ». Concrètement, comme le disait Rancière, on fait parler les gens en les faisant taire.

Comment s’opposer à cette tendance ?

Il faut d’abord revenir à “l’origine” de la citoyenneté. La citoyenneté, perçue comme la capacité dont dispose chacun de maîtriser sa vie — à commencer par les dimensions les plus ordinaires du quotidien (travail, logement, éducation...) — a perdu son sens. Cette conception élémentaire a été oubliée. C’est pourquoi il est plus que nécessaire d’en rappeler les usages d’hier. De même, faut-il préciser la signification de la démocratie. Loin d’être réduite à la représentation politique, la démocratie s’exprime par le débat, voire le conflit, l’échange des point de vues. L’élection n’intervenant qu’à l’issue de ces échanges. C’est dire combien la démocratie ne peut se laisser enfermer dans un cadre institutionnel. En 1848, les ouvriers se constituaient en association sur les lieux de travail, pour tenter d’organiser autrement les entreprises. De ces lieux ils entendaient développer le “gouvernement des travailleurs”, en l’absence de représentants ouvriers dans les assemblées “représentatives”. La situation actuelle est identique. Le contenu social, voire socialiste, de la république a été oublié à force d’être refoulé hors des frontières de la politique.
Aujourd’hui, en pleine crise du système capitaliste, la mémoire de cette histoire doit être ravivée par la ré-appropriation de la citoyenneté concrète. Nécessité d’autant plus grande que le pouvoir souverain n’a de sens que si chacun est en capacité de l’exercer.


Entretien réalisé par Laurent Etre, paru dans L’Humanité du 19 novembre 2009.

lundi 16 novembre 2009

20e anniversaire de la chute du mur de Berlin : Tout est bien qui finit bien par Eric Aunoble


A défaut d’autoriser un bilan mémoriel et historique de la fin du bloc soviétique (entreprise trop ambitieuse !), les 20 ans de la chute du mur de Berlin donnent l’occasion de réfléchir au processus commémoratif lui-même et à la vision de l’histoire qu’il véhicule, notamment auprès des générations nées post festum.
Voir les images de 1989, c’est remarquer le grain particulier de la vidéo, être étonné par les couleurs et les coupes de vêtements. Si l’incessant recyclage des modes passées par la mode présente permet d’imaginer qu’on ait pu écouter Scorpion et se laisser pousser les cheveux dans le dos, comment comprendre aujourd’hui la réalité d’avant ? Les journalistes la décrivent sur le ton de l’explorateur de retour d’une contrée primitive. Mon Quotidien explique aux 10-14 ans : « Le communisme est un système politique très dur. Tout appartient à l’État, les gens ne possèdent rien ou presque. Ils ne sont pas libres et dépendent entièrement des gens qui les dirigent » (1). Il est loisible de moquer cette présentation caricaturale. Mais, au-delà d’un parti-pris critiquable, quiconque doit enseigner l’histoire du communisme en collège ou lycée connaît la difficulté de l’entreprise.
Alors que tout le monde s’accorde sur la mort du communisme, plus personne ne sait ce que c’était. Presque tous les historiens utilisent un terme, LE communisme, dont le singulier est trop général (2). « Socialisme réel », « communisme bureaucratique », « stalinisme » : les nuances se sont perdues avec les euphémismes, en même temps que disparaissait la capacité à faire discerner au public les origines et les modalités d’un phénomène historique. Le communisme générique et anhistorique servi pour la commémoration médiatique est en conséquence un attelage paradoxal de totalitarisme et d’ostalgie. Surveillance de la population et protection sociale, centralisation absurde et underground dissident, atomisation sociale et micro-solidarités, dictature et utopie : ces notions semblent nécessairement aller de pair (3).
De telles associations prennent valeur d’avertissement. Mais il faut sans doute y voir l’expression d’un regret enfantin tempéré de gros bon sens (dans l’esprit de Good bye Lenin) plutôt qu’une opération de propagande délibérée. En effet, partant de l’évidence de la « mort du communisme », le discours était généralement retenu, comme s’il était malséant de frapper un cadavre. La journée spéciale « Radio France fait le mur » était exemplaire à cet égard. Les spots de la France mutualiste, qui s’ouvraient par l’injonction « Place au devoir de mémoire ! », mettaient doublement à distance la politique en s’en tenant à des histoires du Mur et en les mettant dans la bouche de « jeunes [pour qui] c’est de l’histoire » (4). Sur le plateau du « 7h/9h », il y avait un équilibre parfait : l’ancien opposant Rainer Eppelmann et l’ancien premier ministre de RDA Hans Modrow ; Bernard-Henri Lévy et Charles Fiterman. Si les échanges étaient parfois vifs, le jeu restait correct.
Le choix des invités de Radio France était à l’imitation de la commémoration officielle, pluraliste dans la rencontre des icônes du soviétisme et de l’anti-soviétisme, Gorbatchev et Walesa. L’ancien syndicaliste polonais a conçu quelque amertume de l’hommage appuyé d’Angela Merkel à l’ex-premier secrétaire du PC soviétique. Peut-être n’avait-il pas compris le véritable objet de la commémoration : la réunion des grands de monde célébrait leur propre action et, partant, leur pouvoir sur l’histoire (5). Derrière l’unanimisme consensuel de la cérémonie, derrière son apologie de la liberté et du peuple, on trouve la séparation achevée entre la masse et ses dirigeants.
Écornant pour une fois la vulgate libéral (6), François Furet notait qu’il est « inexact que de baptiser du terme de « révolution » la série d’évènements qui a conduit en URSS et dans l’Empire à la fin des régimes communistes » (7). Dans ce cas, l’absence du peuple là où se décide son sort était bien à la racine de l’événement et donne son sens à la « fin de l’histoire » diagnostiquée par Fukuyama. Les castes dirigeantes s’étaient désagrégées, d’abord à Moscou, puis dans le bloc, ouvrant les brèches par où les gens du commun s’échappèrent de la dictature. Le risque d’une déstabilisation profonde du pouvoir ayant été durablement écarté grâce aux efforts conjoints des gouvernements occidentaux, des opposants les plus en vue et des bureaucrates les plus éclairés, on pouvait, vingt ans après, donner une fête et y convier le bon peuple.
Il n’y avait rien à cacher. Les ouvriers des chantiers de Gdansk et les « manifestants du lundi » de RDA ont depuis longtemps disparu de la scène, sans doute pour aller pointer au chômage. Seuls restent les hommes du pouvoir passé et présent, se légitimant les uns les autres. Un Berlinois l’avait écrit dès 1928 :

« Tout est bien qui finit bien,

Tout le monde est satisfait.




(...) Hinz a menacé Kunz,

Mais à la fin ils se retrouvent à table

Et mangent le pain des pauvres gens

Car les uns sont dans l’ombre

Et les autres dans la lumière » (8).
L’amertume de Bertold Brecht se comprend à la lumière d’un autre 9 novembre, dix ans plus tôt.
Le 9 novembre 1918, le Reich wilhelminien s’effondrait. Les mutineries dans l’armée couvraient le pays de conseils d’ouvriers et de soldats, de Königsberg à Strasbourg. À Berlin, Karl Liebknecht proclamait la « République socialiste » pour « construire l’ordre nouveau du prolétariat, un ordre de paix et de bonheur, avec la liberté pour tous nos frères du monde entier ». Rosa Luxemburg et lui étaient communistes, d’un communisme qui devenait une perspective réelle au rythme de la liberté allemande qui se construisait alors. Dès janvier 1919, ils étaient assassinés. « L’ordre règne à Berlin », titrait le dernier article de Rosa Luxemburg. Cet ordre avait été rétabli par les soudards des corps francs au service d’une coalition hétéroclite de socialistes gouvernementaux et de bourgeois conservateurs (9).

Force armée, gauche en trompe-l’oeil et pouvoir de l’argent : en différentes configurations et sous divers visages, on les retrouve aux tournants dramatiques de l’histoire allemande, étouffant puis effaçant les traces des rares explosions populaires vers la liberté.


Éric AUNOBLE




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Notes :


(1http://www.monjtquotidien.com/, journal du 9/11/2009, « L’Allemagne est de nouveau "la capitale du monde", 20 ans après la chute du mur de Berlin ».
(2) Comme l’ont remarqué Michel Dreyfus, Bruno Groppo, Claudio Iingerflomm et alii, Le siècle des communismes ([2000 ;] édition augmentée et mise à jour), Seuil « Points », Paris, 2004.
(3) Voir par exemple « Reportage à Eisenhüttenstadt, en ex-Allemagne de l’est », Nous autres, Michelle Soulier et Zoé Varier, France Inter, les vendredi 30/10 et 6/11/2009,http://sites.radiofrance.fr/francei...
(5) D’où l’entêtement de Nicolas Sarkozy, présent à Berlin le 9 novembre 2009, à affirmer qu’il était déjà sur place le 9 novembre 1989.
(6) Alain Lamassoure par exemple parle de « torrent révolutionnaire » dans « Europe : Une maison à trois demeures » (Le Monde, 30/12/1989).
(7) François Furet, Le passé d’une illusion ; essai sur l’idée communiste au XXe siècle, Robert Laffont / Calmann-Lévy, Paris, 1994 ; p. 12.
(8) Bertold Brecht, Opéra de quat’sous, dernier final.
(9) Voir : Gilbert Badia, Les spartakistes, 1918, l’Allemagne en révolution, Aden, Bruxelles, 2008 ; Jean-Paul Musigny, La Révolution mise à mort par ses célébrateurs, même. Le mouvement des conseils en Allemagne, 1918-1920, Nautilus, Paris, 2000.

mardi 20 octobre 2009


Des usages étatiques de la lettre de Guy Môquet

par Laurence De Cock-Pierrepont, pour le CVUH
Mis en ligne le 21 mai 2007


Le dernier effet d’annonce de Nicolas Sarkozy, l’injonction de lecture de la lettre de Guy Môquet dans tous les lycées de France, à chaque rentrée scolaire, n’a rien d’étonnant et peut être interprété à travers une double grille de lecture : le pli désormais pris d’instrumentaliser l’histoire, dans une stratégie d’abord électoraliste, et aujourd’hui présidentielle. l’appel à une vision de l’école sanctuarisée et dont on renforcerait la mission civique, à charge pour elle de revitaliser le sentiment national.
Le premier point a été largement développé dans le texte critique du CVUH : « L’histoire par Nicolas Sarkozy, le rêve passéiste d’un futur national-libéral » (1). Sous la plume d’Henri Guaino, un montage/brouillage rhétorique a permis à Nicolas Sarkozy de bâtir un agglomérat de références historiques. Ces dernières sont systématiquement décontextualisées et mises en équivalence au service d’une écriture de l’histoire qui revalorise la lignée des grands hommes, là où le nouveau président viendrait tout naturellement s’inscrire avec la ferme intention d’« écrire [avec tous les Français] une nouvelle page de notre histoire » (discours du 6 mai 2007). Guy Môquet pénètre cette généalogie mythologique sur une suggestion d’Henri Guaino : « On en a beaucoup discuté, il a tout de suite été très enthousiaste », a précisé sur France culture l’expert en communication, le 14 mai dernier (2). Que cette nouvelle entrée ait pu faire grincer des dents ne dérange pas outre-mesure le candidat d’alors : « Ceux qui ont osé dire que je n’avais pas le droit de citer Guy Môquet parce que je n’étais pas de gauche, je veux dire que je demeure stupéfait de tant de sectarisme. Guy Môquet appartient à l’histoire de France et l’histoire de France appartient à tous les Français. » (Discours du 18 mars 2007). Car, dans ce long héritage, ce jeune résistant communiste fusillé à 17 ans, le 22 octobre 1941, vient incarner les valeurs d’une jeunesse énergiquement tournée vers le sacrifice patriotique. Qu’il fut militant communiste devient donc strictement anecdotique dans cette mise en scène de l’histoire, puisqu’il ne s’agit que de puiser les attributs qui pourront confirmer la continuité de la mission providentielle du nouveau président : tout donner à cette « grande, belle et vieille nation » (6 mai). Ces détournements désormais récurrents des personnages et/ou moments historiques ne sont pas de simples procédés temporaires et électoralistes, ils témoignent d’une entreprise d’instauration d’une mémoire officielle qui opère par amalgame en gommant tout effet de contexte ou de divergences politiques.
Second point, l’école devient logiquement la caisse de résonance de ce nouveau projet. La philosophie scolaire de l’enseignement de l’histoire est née dans la matrice de la IIIème République. Dans la France de la fin du XIXème siècle, encore largement morcelée en « terroirs », l’école fut investie comme l’un des lieux stratégiques d’intégration nationale. Avec le modèle de l’État-nation français s’élaborèrent des références communes et homogénéisatrices. En outre, il fallait consolider la République en gestation et l’inscrire dans une logique de continuité historique et d’avancée linéaire vers le progrès, au miroir d’un universel républicain à promouvoir. L’histoire scolaire s’est posée comme un outil de fabrication et de légitimation de ce sentiment national. Elle s’est structurée autour de la double logique de l’unité et de la continuité, se devant de susciter l’adhésion, sans le doute. Nicolas Sarkozy ne cache pas aujourd’hui son admiration pour l’école de Jules Ferry : « Nous ne referons pas l’école de la IIIème République à l’heure d’internet, de la télévision ou du portable. Mais nous pouvons, nous devons en retrouver l’esprit. » (Discours du 23 février 2007 à Perpignan). De ce point de vue, l’« affaire » de la lettre de Guy Môquet fait très nettement sens. La geste symbolique qui consiste à inaugurer chaque année scolaire par la lecture d’une même lettre de résistant témoigne d’une forme de parrainage du récit historique scolaire dont il ne faut pas sous-estimer la portée idéologique. Lue hors programme, et quel que soit le niveau de classe, cette lettre sera déconnectée de son contexte d’élaboration, et servira de véhicule à des valeurs données comme universelles, à des valeurs absolutisées. Elle perdra son caractère de source pour se voit déshistoricisée. C’est ainsi aller à l’encontre de toute méthodologie historique et prendre le risque de patrimonialiser un contenu au service de la transmission d’une idéologie d’État. Dissocié de l’histoire de la deuxième Guerre et de la résistance, le message adressé aux adolescents lycéens pourrait se réduire à une accumulation de qualités morales aux échos douteux : « Qu’il étudie bien [Guy Môquet parle de son petit frère] pour être un homme » ; « Petit papa, j’ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m’as tracée » ; « Ce que je souhaite de tout mon cœur, c’est que ma mort serve à quelque chose (…) Vive la France »… Le travail, la famille, la patrie… triste résurgence d’une sombre trilogie. La lettre de Guy Môquet n’a pas besoin de cette bénédiction gouvernementale et de sa conception moins civique que conservatrice de l’école et de l’écriture scolaire de l’histoire. Elle est déjà très largement utilisée par les enseignants d’histoire-géographie dans le cadre de l’étude de la résistance en France. Chacun s’efforce de la contextualiser et d’en dégager les enjeux propres à ce moment historique particulier. Mais il est vrai que cette première mesure gouvernementale doit aussi se lire à l’aune de cet amour que Nicolas Sarkozy déclare sans relâche à la France ; cet amour qui lui arrache des larmes à chaque nouvelle lecture de la lettre de Môquet (3) ; cet amour qui renvoie à une vision empathique de l’histoire tout en convoquant le principe totalement a-historique de l’identification. Activer le pathos est un procédé pédagogique (et démagogique) très efficace, qui gomme toute complexité ou principe de mise à distance critique. Or, c’est bien une posture de pédagogue national que la lecture obligatoire de la lettre de Guy Môquet permet à Nicolas Sarkozy d’endosser ; une position plutôt confortable pour policer la jeunesse lycéenne et la mobiliser autour de la vision sacrificielle de la nation et de l’identité nationale que réifie cet usage de l’histoire.
Laurence De Cock, pour le CVUH, mai 2007
(1)  http://cvuh.blogspot.com/2007/04/lhistoire-par-nicolas-sarkozy-le-reve.html
(2)  http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/matins/fiche.php?diffusion_id=52920
(3) Curieux, à ce propos, qu’il ait pourtant attendu la « suggestion » d’Henri Guaino pour l’inclure à son panthéon.


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"Pourquoi je ne lirai pas la lettre de Guy Môquet à mes élèves à la prochaine rentrée scolaire"

Tribune de Pierre Schill du CVUH dans Libération
Mis en ligne le 22 mai 2007

Signalons la tribune de Pierre Schill du CVUH, "Pourquoi je ne lirai pas la lettre de Guy Môquet à mes élèves à la prochaine rentrée scolaire" publié dans Libération du 22 mai 2007 qui rappelle l’intervention de Gérard Noiriel pour analyser le rapport de Nicolas Sarkozy à l’histoire sur le site du CVUH.

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Toute histoire a un contexte. Une réponse à Laurent Joffrin refusée par Libération...
Mis en ligne le 28 mai 2007
La première décision du nouveau Président de la République, - une décision par essence symboliquement forte - de demander à l’ensemble des enseignants d’histoire-géographie de lycées de lire au début de chaque année scolaire la lettre que Guy Môquet écrivit à ses parents avant son exécution le 22 octobre 1941 en représaille à l’assassinat d’un officier allemand interroge la communauté historienne.

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"Guy Môquet revu et corrigé"

Tribune de Pierre Schill du CVUH
Publié dans Libération du 11 septembre 2007

Le 18 mars 2007 au Zénith de Paris, le candidat Sarkozy déclarait : « Je veux dire que cette lettre de Guy Môquet, elle devrait être lue à tous les lycéens de France, non comme la lettre d’un jeune communiste, mais comme celle d’un jeune Français faisant à la France et à la liberté l’offrande de sa vie, comme celle d’un fils qui regarde en face sa propre mort. » Xavier Darcos vient d’annoncer que la lettre sera lue le 22 octobre dans tous les lycées de France.

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Guy Môquet, et après ? Effacement de l’histoire et culte mémoriel
Mis en ligne le 7 octobre 2007

Le 22 octobre prochain, la lecture de la dernière lettre de Guy Môquet sera l’occasion de ce qui pourrait passer pour une cérémonie de plus, dans le Panthéon résistant. Il n’en est rien : c’est un véritable programme commémoratif que le Bulletin officiel de l’Education Nationale du 30 août organise dans les lycées et collèges. Promotion soudaine d’une figure patriotique, présentée comme exemplaire, place centrale accordée à l’Ecole pour la lecture d’une « lettre », dimension strictement nationale de la célébration : tout cela n’est pas sans susciter des interrogations sur les causes profondes de cette fabrique à « flux tendu » d’un héros pour la jeunesse.
La rapidité de la découverte puis de la promotion de Guy Môquet par le candidat Sarkozy devenu chef de l’Etat a de quoi surprendre. Jusqu’au printemps 2007, la principale figure célébrée par le leader de l’UMP était Georges Mandel, homme politique de droite assassiné par la Milice parce que juif, en riposte à l’exécution du collaborateur Philippe Henriot par la Résistance. Pourtant, dès le 15 mai, le premier geste du nouveau pouvoir consiste à réinventer la mémoire résistante : la dernière lettre de Guy Moquet, promue au rang d’Archive exemplaire, est surajoutée à la commémoration des Fusillés de la Cascade du Bois de Boulogne. Image de l’Emotion officielle, objet de la « première décision » présidentielle, elle devient une véritable affaire d’Etat : désormais, elle devra être lue solennellement dans chaque lycée à chaque rentrée scolaire. L’hommage posthume fait à Guy Môquet incarne l’« ouverture mémorielle » qui annonce l’ouverture politique.
Cet usage politique n’est pas anodin : il entraîne des effets pernicieux sur la connaissance du passé ainsi instrumentalisé : Guy Môquet semble se résumer à sa mort, aux adieux à sa famille et à ses amis qui ponctuent sa dernière lettre. La Résistance est réduite à la seule perspective du sacrifice. Ainsi la spécificité du combat de Guy Môquet est-elle éludée : le caractère communiste de son engagement, la singularité de son courage au moment où le Parti Communiste, interdit par la République dès 1939, ne résistait pas encore officiellement, sont escamotés. De même, son arrestation par la police française, l’intervention des autorités de Vichy qui désignent spécifiquement parmi les otages une liste de militants communistes à fusiller sont passées sous silence. Toutes les singularités et les complexités de la Résistance disparaissent derrière l’écran blanc d’une dernière lettre sortie de son contexte.
On pourrait supposer que les enseignants chargés de lire la lettre aient précisément pour tâche de restituer ce contexte et ces enjeux. Mais la façon dont la cérémonie est prévue par le texte et déjà organisée en plusieurs lieux montre qu’il n’en est rien : tout est fait pour que l’École fabrique un mythe patriote en lieu et place d’une interrogation critique, aussi chargée d’émotion puisse-t-elle être. C’est en effet une véritable cérémonie de monument aux morts qui est prévue dans un certain nombre d’établissements, inventée pour l’occasion. Le public scolaire dont on attend le « recueillement » y préfigure celui du 11 novembre, les Résistants occupent la place des Anciens Combattants et la lettre celle du monument funéraire. Entre usage rugbystique de la lettre et cérémonie scolaire, tout se passe comme s’il s’agissait de mettre en place des bataillons de la mémoire dont les enseignants seraient les nouveaux « hussards noirs », au service d’une mémoire aussi étroitement nationale -malgré les dénégations - que largement amnésique.
La place donnée à l’Ecole dans cette cérémonie et les formes suggérées pour son organisation indiquent une double visée : restauration de l’ordre social et restauration de l’unité nationale. L’ordre cérémoniel est la traduction sous forme rituelle de la Lettre aux éducateurs envoyée par le même donneur d’ordres ; restauration de la hiérarchie, des « valeurs » et du vouvoiement : Guy Môquet le militant est utilisé à contre-emploi. Le message présidentiel n’en a cure, il soumet l’histoire à son usage par ses directives très claires : « aimez la France car c’est votre pays et que vous n’en avez pas d’autre. » On ne peut mieux indiquer l’usage politique ainsi visé : l’union sacrale dont l’Ecole doit être la garante permet d’effacer toute « tache » mémorielle : de la responsabilité de l’Etat français dans la déportation et l’extermination des Juifs à la non reconnaissance des massacres coloniaux, de la répression du 17 octobre 1961 à l’oubli des anciens combattants « ex colonisés », etc. On peut observer une singulière concomitance entre la monumentalisation de la figure de Guy Môquet dans une cérémonie scolaire et les remaniements des programmes d’histoire des filières techniques qui font disparaître comme thèmes d’enseignement aussi bien Vichy que les guerres d’Indochine et d’Algérie ; entre la réinvention d’une mémoire résistante purement nationale et unanime et les créations successives d’une Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et d’un Institut d’études sur l’immigration et l’intégration, sur fond de projets de musées régionaux tendant à exalter l’œuvre coloniale de la France. On peut enfin trouver que la célébration de l’amour exclusif de la patrie devant un public de lycéens comprenant des élèves sans-papiers que le Gouvernement entreprend d’expulser confère à cette cérémonie un caractère objectivement cynique.
Le chef de l’Etat a annoncé publiquement vouloir la « fin de la repentance », ce qui signifie le refus de reconnaître désormais de façon officielle la responsabilité de la France sur la scène publique et la volonté explicite de mettre fin à tout débat à ce sujet. Célébrer la figure sacrificielle d’un Guy Môquet purement patriote, c’est recréer un culte unanimiste de la nation en lieu et place de toute interrogation critique sur la mémoire nationale, en escamotant les enjeux les plus actuels de la recherche et de l’enseignement de l’histoire. Chaque acteur de l’espace scolaire jugera de l’attitude qui lui paraît la plus juste, mais il ne nous apparaît pas possible, en tant qu’enseignants comme en tant que chercheurs, de cautionner d’une façon ou d’une autre une telle contrefaçon mémorielle.
le CVUH

lundi 21 septembre 2009

Entre vigilance et transmission, raison d’être et raison d’agir du CVUH





Rendez-vous à Blois
le dimanche 11 octobre








ENTRE VIGILANCE ET TRANSMISSION, RAISON D’ÊTRE ET RAISON D’AGIR DU CVUH
Carte blanche au Comité de Vigilance face aux Usages publics de l’Histoire.

De 16h30 à 18h - Maison de la Magie 




INTERVENANTS :


SYLVIE APRILE, professeure à l’Université de Lille III, LAURENCE DE COCK, professeure au lycée Joliot Curie de Nanterre, enseignante associée à l’INRP, CHARLES HEIMBERG, formateur à l’IFMES de Genève, ANNE JOLLET, maître de conférences à l’Université de Poitiers, GERARD NOIRIEL, directeur d’étude à l’EHESS, PHILIPPE OLIVERA, professeur au lycée Diderot de Marseille, MICHÈLE RIOT-SARCEY, professeure à l’Université de Paris VIII.



Depuis plusieurs mois, la plupart d’entre nous étaient engagés, aux côtés de lycéens, puis d’étudiants, dans la série de conflits relatifs à la réforme des lycées, à la « libéralisation » des universités et à la formation des maîtres. S’il est difficile de concilier l’activité de penser à distance l’objet avec les nécessités de réagir au jour le jour (1), nos réflexions ont pourtant mûri pendant ce temps. La table ronde sera l’occasion d’en exposer publiquement les principales lignes de force.
Elle se propose de réfléchir sur les multiples lieux d’usages publics de l’histoire et de débattre des secousses que ces usages peuvent imposer à la discipline historique lorsqu’elle quitte la sphère du savoir savant et entend s’adresser à tous.
Considérant que tout usage public de l’histoire soulève des enjeux politiques, le CVUH intervient depuis 4 ans déjà et travaille à diffuser des outils d’analyse susceptibles de nourrir les débats citoyens. Outre les nombreux textes d’intervention publiés sur le site, nous avons organisé conférences, tables rondes, et nous sommes associés à de nombreux projets associatifs. La collection Passé/Présent (publiée aux éditions Agone) sort ce mois-ci son 4ème titre (2) ; elle inscrit nos prises de position et nos actions dans le temps long. Ces prises de paroles publiques des historiens interrogent la discipline elle-même, son utilité et ses modalités de transmission.
Or les lignes de front n’en ont pas fini de se multiplier, et le CVUH est né de la conviction que les historiens et enseignants avaient un rôle spécifique à jouer dans le débat et l’action politiques. Refusant de s’abriter derrière une conception trop commode et restrictive de la politique, il s’en réclame au contraire comme du nom qui désigne le souci du « public ». À titre d’exemple, la destruction du service public et ses effets catastrophiques immédiats, honteusement qualifiés d’« événements » par le directeur général de France Télecom. Décidément l’histoire bégaie semble-t-il… Dans les années 1830, on le sait, « le suicide était, hélas, déjà à la mode », selon les journaux du temps. Non chez les seuls romantiques mais dans les classes ouvrières, tout particulièrement. Faudrait-il réveiller la mémoire de Baudelaire : « Le suicide pouvait très bien apparaître à un homme tel que Baudelaire comme la seule action héroïque qui fût encore possible aux « multiples maladives » des villes, en ces temps de réaction » (3) ?
De même, les réformes en cours sur la formation des maîtres doivent faire l’objet d’une concertation entre les enseignants du secondaire, les étudiants et les enseignants du supérieur. Cette année sera décisive, en effet, quant au devenir des enseignants. La pénétration du vocabulaire économique et technique dans les universités et les écoles témoigne de la « philosophie » des réformes en cours : « masterisation », obtention de « crédits »… à se demander quel « retour sur investissement » on attend des recherches ou études en Sciences humaines et sociales. Le silence et l’adhésion béate à l’ordre dominant sans doute. Par ce système adepte des chiffres dont la signification échappe à l’opinion (bac+5) mais que la rondeur du nombre impressionne, l’Université aura pour tâche désormais de "fabriquer" à la chaîne des diplômés de masters enseignement, afin de permettre aux autorités de tutelle (rectorats, chefs d’établissement) de recruter, sur contrats précaires, un certain nombre d’enseignants du primaire et du secondaire. À terme, c’est le lien encore entretenu en France entre la formation à la recherche et à l’enseignement, ainsi que la pérennité des concours d’enseignement qui sont en jeu. Or ces concours de recrutement, même s’ils sont perfectibles, restent malgré tout des garants d’une éducation dite « nationale » et non encore soumise au jeu concurrentiel des universités.
Cette précarisation de la profession désormais officiellement en marche appelle, de la part de tous, une très grande vigilance. Elle interroge le sens même de la discipline historique. L’histoire doit demeurer une spécialité qui contribue à donner aux futurs adultes les capacités de se situer dans le présent, munis d’outils de réflexions critiques permettant de contourner les pièges des discours politiques lénifiants. Si l’histoire se mure dans la tour d’ivoire des chercheurs et ne nourrit que des débats entre pairs et experts, si sa dimension publique se réduit à alimenter les commémorations sur mesure ou les besoins des candidats selon leurs stratégies électorales, alors ses finalités critiques et civiques seront dénaturées. Or, plus que jamais l’instrumentalisation de l’histoire est à l’ordre du jour, comme en témoignent le projet de musée d’histoire nationale, le nouveau calendrier de commémorations que prépare le gouvernement, ou encore l’insistance sur les récits historiques, linéaires, sans aspérité qui écrivent une nouvelle légende nationale. Le danger est d’autant plus grand que nombre d’historiens, refusent de voir ces différentes opérations dont l’histoire est l’objet ou n’estiment pas de leur responsabilité de chercheurs de prendre publiquement position. Certes, ce ne sont pas les historiens qui sont directement menacés d’encadrement liberticide – encore que le système d’évaluation des chercheurs et le classement des revues engendrent un bel exemple de possible mise au pas. Mais il est de notre responsabilité à tous d’affirmer la complexité du réel historique contre une version héroïsante et lisse mise au service de la cause nationale voire nationaliste.

On le voit, les lieux et modalités d’interventions publiques des historiens – enseignants-chercheurs et enseignants du secondaire – sont pluriels (édition, école, université, medias, spectacle vivant). La question de la transmission des savoirs historiques et de leurs finalités est donc au cœur des enjeux d’une discipline aujourd’hui menacée. Cette table ronde sera l’occasion d’un rappel des fondements qui sont les nôtres : nos « raisons d’être et d’agir » (4) , d’un bilan d’étape et d’un point sur les multiples défis qui nous attendent.






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Notes :


(1) Ce qui explique le ralentissement de l’activité éditoriale du site du CVUH depuis le début du mouvement social.
(2) Gérard Noiriel, A quoi sert l’identité nationale, 2007 ; Laurence De Cock, Fanny Madeline, Nicolas Offenstadt, Sophie Wahnich (dir.), Comment Nicolas Sarkozy écrit l’histoire de France, 2008 ; Catherine Coquery-Vidrovitch, Les enjeux politiques de l’histoire coloniale, 2009 ; Laurence De Cock, Emmanuelle Picard (dir.), La fabrique scolaire de l’histoire, 2009.
(3) Walter Benjamin, Charles Baudelaire, un poète lyrique de l’apogée du capitalisme, Payot, Paris, 1982, p. 111.
(4) Qui sont encore trop souvent caricaturées comme en témoigne l’article d’Alain Corbin dans leMonde des livres du 11 septembre 2009.

mercredi 16 septembre 2009

La Fabrique scolaire de l’histoire Sous la direction de Laurence De Cock & Emmanuelle Picard


Préface de Suzanne Citron
Depuis la Révolution française, l’enseignement de l’histoire est associé à la construction d’une « identité nationale ». En prenant la forme d’un récit ethnocentré, l’histoire scolaire devait permettre l’intégration de tous les futurs citoyens de la République, quelles que soient leurs identités originelles, dans un ensemble politique unique.
Aujourd’hui, alors que la période est favorable à la reconnaissance des « identités plurielles », les exclus du roman national réclament l’ajustement des programmes scolaires et critiquent la fabrique scolaire de l’histoire vue comme un instrument de domination.
Le moment est propice pour interroger la manière dont l’histoire scolaire est fabriquée. De fait, l’enseignement de histoire à l’école est le produit d’une chaîne de responsabilités dont il nous faut interroger chacun des maillons : pourquoi et comment apprendre l’histoire, et quelle histoire ? Car c’est une politique du passé qui s’exprime à travers ce montage. Une politique où la question d’une histoire commune et donc de l’universalité est en jeu.
Laurence De Cock est historienne et professeure d’histoire au lycée de Nanterre. Vice-présidente du Comité de Vigilance face aux usages publics de l’histoire (CVUH), elle a notamment co-publié Comment Nicolas Sarkozy écrit l’histoire de France (Agone, 2008) et Mémoires et histoire à l’école de la République (Armand Colin, 2007).
Emmanuelle Picard est historienne au Service histoire de l’éducation (INRP-ENS) et membre du CVUH.
Table des matières
Un parcours singulier dans la fabrique scolaire, Préface de Suzanne Citron
Avant-propos, par Laurence De Cock

I. Programmes et prescriptions : le cadre réglementaire de la fabrique scolaire de l’histoire
I-1. Les programmes scolaires d’histoire dans l’enseignement secondaire, par Patricia Legris
I-2. Le temps dans l’enseignement de l’histoire, par Évelyne Héry

II. Quelle place pour les acteurs historiques dans l’histoire scolaire ? Des prescriptions officielles aux manuels
II-1. Entre clichés et histoire des représentations : manuels scolaires et enseignement du fait colonial, par Marie-Albane de Suremain
II-2. La fabrique scolaire de la « culture de guerre », par André Loez

III. Entre devoir de mémoire et politique de la reconnaissance, le problème des questions sensibles dans l’école républicaine
III-1. Enseignement du fait colonial et politique de la reconnaissance, par Françoise Lantheaume
III-2. Esquisse d’une histoire de l’enseignement des génocides à l’école, par Benoît Falaize


IV. Pour dépasser le roman national
IV-1. Comment on enseigne la Révolution française. Quelques questions à l’écriture scolaire de l’histoire, par Marc Deleplace
IV-1. Constructions identitaires et apprentissage d’une pensée historique. L’histoire scolaire en Suisse romande et ailleurs, par Charles Heimberg


jeudi 9 avril 2009

A l’école de l’ « Ave Respublica » par Laurence De Cock


Dans sa lettre de mission diffusée le 7 avril dernier, M. Besson, nouveau ministre de l’identité nationale, de l’intégration, de l’immigration et du co-développement solidaire se voit chargé par le gouvernement « d’engager les actions permettant de valoriser les principes de la République et les valeurs fondamentales de notre communauté nationale, en luttant contre toutes les tentations de repli identitaire ou communautariste, en renforçant la place des emblèmes et symboles de la République, des langues, de son drapeau, de son hymne, des valeurs contenues dans la devise "Liberté, égalité, fraternité" et de la Marianne qui les incarne, partout où cela s’avère nécessaire, dans les écoles et les lieux publics » (1).
Que nous vaut donc cette surenchère qui s’apprête encore une fois à toucher nos écoles ?
Rappel : les programmes de l’école primaire 2008 révélaient déjà la crispation sur l’apprentissage de la liturgie républicaine dans leur retour à l’ « instruction civique et morale » venus se substituer à la pédagogie du « vivre ensemble ». Il s’agissait sans doute d’en finir avec l’idéologie bien-pensante post 68 comme l’a seriné Nicolas Sarkozy lors de sa campagne électorale, lequel aimait d’ailleurs invoquer la figure tutélaire de Jules Ferry pour justifier les fondements de sa politique éducative à venir. Outre l’instrumentalisation politique déjà décryptée par le CVUH (2) à propos de la mobilisation tous azimut de ce personnage historique (3), on soulignera pour commencer que l’école républicaine depuis Jules Ferry n’a pas échappé miraculeusement au moteur de l’histoire, et que la sociologie des publics scolaires, ainsi que les fondements de ce que l’on nomme communément l’ « identité nationale » n’ont pas non plus vocation à rester figés dans une sorte de glaciation qui en empêcherait toute redéfinition. Suffit-il d’apprendre à un enfant de 7 ans à se lever sur la Marseillaise, à saluer le drapeau, à se courber devant le buste de Marianne et à ressasser mécaniquement l’ « Ave respublica » pour lui fournir les outils de sa socialisation politique ? Dans notre société façonnée par de nombreux héritages culturels, dans nos écoles peuplées d’enfants aux multiples visages, il faut être bien naïfs pour prétendre encore fabriquer de l’adhésion aveugle à une vulgate dont les principes assénés sont quotidiennement bafoués par les instigateurs même de cette réforme. Peu d’écoles en France ont en effet échappé à la logique de rendement du ministère de l’identité nationale qui (re)conduit des enfants vers un « chez eux » dont ils n’ont, pour beaucoup, jamais vu la moindre parcelle de paysage. On expliquera sans doute à leurs copains qu’ils n’honoraient pas suffisamment la République ces enfants : « fraternité » devaient-il pourtant apprendre à épeler…Faut-il donc qu’un régime se sente sous tension pour s’arquebouter à ce point sur des principes désormais vides de contenu au regard de leur traduction politique. Ce prêt à penser en kit risque fort de jeter le discrédit sur le potentiel émancipateur de ces valeurs républicaines. Car de quelle République parle-t-on au juste à travers cet usage nationalo-patriotique ? Celle de la première expérience révolutionnaire, La « sociale » de 1848, ou la IIIème République issue du compromis de Thiers, donc du détournement par les républicains modérés du mot pour l’élaboration du "national" ? l’opération de substitution a bien fonctionné, aidée en cela par une historiographie valorisant un « modèle républicain » quasi-transcendantal, consensuel, privé de toute conflictualité originelle, et purgé de ses dimensions sociales (4). Un pallier supplémentaire est franchi avec notre gouvernement et l’alliance à venir entre le ministère de l’identité nationale et celui de l’éducation ; la chimère république versus identité nationale n’est rien d’autre que le recouvrement par le mot de république d’un héritage de Maurice Barrès passé par la traduction politique du Front national et rendu politiquement correctpar le jeu électoral.
Si l’une des missions de l’école consiste à tisser de l’appartenance, il serait donc temps d’en finir avec cette vision prométhéenne d’un enseignement fondé sur l’illusion d’un conditionnement opérant de l’allégeance policée à des symboles. Il serait plus urgent et judicieux de travailler à l’acquisition d’une conscience critique préalable à toute citoyenneté véritablement libérée d’un code de bonne conduite identitaire imposé par une politique d’intégration discriminatoire qui ne dit pas son nom. Si tant est que le « communautarisme » existe autrement que comme une simple réaction momentanée à la stigmatisation que subissent régulièrement les « minorités visibles » de notre société ; si tant est que ce « communautarisme » ne soit pas qu’un épouvantail agité par simple volonté de légitimer une politique de crispation nationalo-identitaire, alors son désamorçage devra procéder d’une pédagogie de l’altérité qui viserait à rendre naturelle la co-présence des héritiers de multiples histoires, et non à vouloir naturaliser l’allogène. Osons donc enfin politiser réellement la question de l’école, interroger l’Universel républicain à l’aune du principe de réalité d’aujourd’hui, et faire de cette micro-société le laboratoire d’invention de la citoyenneté de demain.
Des mots, toujours des mots diront certains que les symboles rassurent. Mais l’école n’a-t-elle donc pas toujours été un outil d’intégration républicaine qu’il faut « sanctuariser » comme le rappelait récemment Nicolas Sarkozy ? Traduction : nécessité d’opposer à la demande sociale une fin de non recevoir afin d’assurer la prorogation d’un Universel qui fonctionnerait presque comme une donnée naturelle, a-historique, et figée dans une configuration élaborée lors de l’acte de naissance de l’école sous la IIIè République. Dans cette logique, l’école poursuivrait sa fonction quasi irénique de construction d’un espace commun au sein duquel les sujets seraient nécessairement privés de toute détermination empirique. Dans cet espace, l’Universel fonctionnerait comme une promesse d’émancipation de l’individu sous couvert d’une acceptation de normes garantes d’un consensus, et d’une forme d’homogénéité. Que les noirs deviennent blancs, que les femmes deviennent des hommes, et que les indigestes prennent la porte.
Postulons maintenant l’inverse, à savoir une nécessaire perméabilité de l’école aux débats de la société. Avec sa propre temporalité qui n’est pas celle de l’urgence médiatique, l’école se poserait alors comme le lieu d’intelligibilité des débats, voire des conflits, par une praxis de la mise à distance réflexive. Dans ce cas, l’Universel républicain perdrait sa capacité d’énonciation de normes immuables pour agir comme un champ ouvert d’antagonismes, ou, pour le dire autrement, un espace de conflictualités politiques suffisamment ouvert pour permettre à chaque subjectivité de s’affirmer sans trouver porte close. Dans cette logique, la révérence au buste, à l’hymne ou au drapeau ferait bien pâle figure à l’aune d’une véritable éducation à la diversité.
Laurence De Cock



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Notes :


(1) Voir l’intégralité de la lettre de mission au lien suivant :http://www.immigration.gouv.fr/article.php?id_article=753
(2) Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire, http://cvuh.blogspot.com/
(3) Olivier Le Trocquer, « Jules Ferry » in Laurence De Cock et alii (dir), Comment Nicolas Sarkozy écrit l’histoire de France, Agone, 2008
(4) Celui qui est précisément enseigné dans les programmes d’histoire du Secondaire

mercredi 1 avril 2009

La ronde des obstinés Depuis le 23 mars, place de grève de l’Hôtel de ville de Paris



Pourquoi le CVUH s’associe au mouvement de grève active dans les Universités et à la lutte contre le démantèlement du système éducatif en général ?
Depuis quelques mois se produisent en France, dans les Universités, lycées, collèges et école des formes de mobilisations inédites témoignant d’une inquiétude généralisée du monde enseignant face à la politique délétère du gouvernement qui s’échine à substituer à la logique éducative et émancipatrice du système éducatif un système basé sur la rentabilité économique et la compétitivité. Dans ce cadre, l’enseignement des sciences sociales et humaines qui vise à accompagner la formation d’une conscience critique chez les élèves et les étudiants se trouve gravement menacé. Nous sommes nombreux au CVUH à prendre part aux actions alternatives de protestation, et pensons que se joue aujourd’hui, à travers cette inventivité politique, le sort d’un des premiers usages publics de l’histoire : son enseignement. ]


Difficile de ne pas s’interroger sur la lutte que nous menons. Nous-mêmes ne connaissons pas son devenir. Cette forme de protestation n’est pas nouvelle ; elle s’est déjà exprimée contre l’intolérance, l’hypocrisie, la mauvaise foi et le mépris ; même si rarement une marche, jour et nuit, a réussi à empêcher une minorité de nantis de confisquer la production collective. Depuis les grèves du XIXe siècle, la résistance s’est souvent affirmée de cette manière, lancinante et pacifique : une ronde des obstinés. Aujourd’hui nous la jugeons à notre tour nécessaire. Nous, étudiants, enseignants, biattos de Paris 8 — rejoints par d’autres étudiants, enseignants chercheurs, d’autres mécontents —, luttons d’abord et avant tout pour conserver à tous nos étudiants, quelle que soit leur origine sociale, un accès égal au savoir, et protestons contre un gouvernement profondément dédaigneux de toute expression démocratique. Nous nous élevons contre les mesures ponctuelles que le gouvernement ose appeler réformes et refusons de contribuer, sous quelque forme que ce soit, au démantèlement de la formation de nos étudiants et à la transformation des universités en entreprises, c’est-à-dire en unités de production de savoirs uniquement « utiles » et professionnels. Les sciences humaines sont particulièrement visées car elles ne sont pas immédiatement monnayables dans une société qui voue un culte à la marchandise. Elles servent effectivement à penser ; à donner les moyens de faire face à la vie quotidienne et professionnelle, en se situant dans le monde présent, comme dans l’histoire ; à maîtriser les concepts ; à savoir lire et comprendre un texte, pour être en capacité de répondre aux demandes sociales et se recycler si nécessaire. Il est vrai que cette forme d’apprentissage du savoir, pour soi, permet d’acquérir la distance critique envers nos gouvernants. Voilà à quoi servent les études. Apprendre à penser à nos étudiants signifie leur donner les outils de connaissances qui leur ouvre la voie d’accès à l’autonomie. Là, est la seule autonomie qui vaille.
L’autonomie des universités, que le gouvernement nous propose, est, elle, une vaste blague ! et les reculs du pouvoir actuel ne sont que des pas de côtés qui ne remettent pas en cause l’idéal néo-libéral de nos gouvernants.
Non ! le savoir n’est pas une marchandise.
L’ultimatum, que nous avons lancé à nos ministères de tutelle, et dans lequel nous demandons le retrait de toutes les mesures prises depuis 2 ans, veut marquer un coup d’arrêt au processus de démolition des apprentissages de la connaissance à l’université — seul lieu ouvert à tout candidat au savoir, après la formation de base dispensée par nos collègues de l’enseignement secondaire.
Depuis plusieurs années déjà, imperceptiblement, le savoir est considéré par ceux qui nous gouvernent, comme une marchandise. Le titre même des paliers franchis jusqu’à la licence porte des noms marchands : unités de valeurs (UV), crédits, éléments constitutifs d’une unité d’enseignement (EC). À l’issue d’un cycle de formation, l’étudiant a comptabilisé les unités acquises désormais par « validation ». Il ne sait plus s’il peut dire qu’il maîtrise une langue, une période historique, une œuvre romanesque, un concept théorique, mais il est certain d’avoir accumulé la quantité suffisante d’EC pour obtenir un diplôme. Qu’importe le contenu, car il suffit d’une quantité x d’éléments comptables. Dans les universités, il n’est plus question d’apprendre à penser mais de savoir compter.
Il en est de même pour les chercheurs. Fichés, classés, expertisés, comptabilisés par le nombre de citations dont leurs écrits font l’objet, ils ne sont plus jugés pour l’originalité de leur projet mais examinés par une Agence (ANR : agence nationale de la recherche) qui décide de l’utilité marchande, éventuellement sociale, de telle ou telle recherche.
La formation des maîtres a minima, que le gouvernement est en train de mettre en place, consiste à dispenser des diplômes de bas niveaux destinés aux enseignants du secondaire précarisés, payés à l’heure de cours effectuée. L’université démantelée correspond précisément aux objectifs du pouvoir : dispenser un savoir immédiatement, recyclable en produit marchand, aux enfants de pauvres, aux gamins des banlieues, aux gosses des classes moyennes appauvries. Depuis ces dernières années, nous le savons, les inégalités sociales se sont accentuées et le nombre d’étudiants issus des classes de salariés s’est considérablement amoindri. Il suffisait donc d’adapter l’université à la réalité économique du moment ! Telle est le devenir que nous prépare le gouvernement et que nous refusons.

La ronde infinie des obstinés, tous ensemble : salariés, retraités, chômeurs, précaires, citoyens qui, dans la rue et ailleurs, résistent, nous disons tout simplement NON. 


Michèle Riot-Sarcey

mardi 24 mars 2009

Compte rendu de l’Assemblée générale du CVUH du 17 janvier 2009


Assemblée Générale CVUH du 17 janvier 2009





Présents : 22 présents
Rapport moral : Gérard Noiriel
On peut se féliciter du développement et des échos du CVUH, y compris des prémices au niveau européen. Les multiples rencontres (librairies, conférences-débats) témoignent à la fois d’une demande sociale et de la pertinence de la démarche que nous avons impulsée. On constate de nombreuses sollicitations de journalistes : toutes les semaines ou presque il y a quelque chose ; c’est quasiment devenu un réflexe de nous consulter.
De nombreux partenariats ont été tissés, même avec des gens qui ne sont pas des historiens.
Importance du site : attention à ce que le CVUH reste bien centré sur ses finalités. La liste peut être un moyen de diffusion d’informations afférentes, mais pas le site qui doit témoigner des objectifs du CVUH. Le site reste bien fréquenté ; une moyenne de 300 visites par jour avec des pics en cas de « moment médiatique ».
Par rapport aux membres historiens, on constate néanmoins une sous-représentation des XXèmistes : inégalité dans la répartition des membres.
Il faut peut-être poursuivre le travail de communication et tenter d’attirer plus de collègues.

Bilan financier :
Thomas Loué : absent, mais les documents ont été envoyés.

Solde positif ; nous fonctionnons essentiellement avec les adhésions et le produit des ventes de la collection Passé/Présent chez Agone.
Mais n’avons aucune subvention.
Les droits d’auteur 2008 Agone seront reversées vers mars sur le compte : à peu près 6500 euros
Ventes 2008 : 
. Identité nationale : 2447 
. Sarkozy : 3415

Nous prévoyons la reconfiguration du site : coût : 2000 euros (1000 euros de salaire + charges sociales)
Ouvrir un livret A : peut-être acheter des obligations ?
Il avait été envisagé la possibilité de louer un local à Ivry avec d’autres associations. Le projet est discuté mais nous avons une proposition d’hébergement à l’Emancipation syndicale Paris 11e. A creuser, cela nous demandera une participation mais vraisemblablement faible. Nous disposerions d’un local pour nos réunions, et éventuellement nos débats.

Bilan : 146 adhérents dont moins de 50% ont payé, à jour pour 2008.
Par rapport à la liste qui figure sur le site, quelques adhérents n’ont jamais renouvelé leur adhésion . Il faut faire un courrier pour renouveler l’adhésion. Les statuts de l’association précisent que peut adhérer au CVUH soit un historien et/ou enseignant, soit quelqu’un qui a un travail lié à l’histoire. Il faudrait l’indiquer plus clairement sur le site, dans la rubrique adhésion. On pourrait aussi le faire apparaître dans la page Wikipedia consacrée au CVUH.

Jean-Pierre Chrétien : le texte de Liberté pour l’histoire est signé par des gens qui ne sont pas du tout historiens, d’où un possible problème de crédibilité.
Laurence : problème des adresses à mettre à jour. G. Noiriel propose de payer quelqu’un pour faire une remise à jour des fichiers.
Rapport moral Vote 22 présents, 20 pour ; 2 ne prennent pas part au vote (arrivés après la présentation)
Bilan financier : 22 présents 21 pour ; 1 ne prend pas par au vote (idem)

Renouvellement des membres du bureau :
Sortant : Président Gérard Noiriel : vice-président M. Riot-Sarcey ; vice-président Nicolas Offenstadt ; trésorier : Thomas Loué, secrétaire Olivier Le Trocquer
Liste : 
Gérard Noiriel
Michèle Riot-Sarcey
Emmanuelle Picard
Olivier La Troquer
Thomas Loué
Eric Ménard suppl
Sophie Wahnich
Catherine Coquery
Sylvie Aprile
Nicolas Offenstadt
Anne Jollet suppl

Vote à l’unanimité sur la liste du CA.
Merci de préciser, si vous étiez absents, de votre maintien ou non en tant que membre du CA.

Candidatures pour le bureau : 
Gérard Noiriel rappelle la nécessité de faire tourner les responsabilités et de ne pas rabattre le collectif sur des noms.
Mais il faut rappeler les noms des membres fondateurs sur le site : Gérard Noiriel, Nicolas Offenstadt, Michèle Riot-Sarcey

Election du bureau : Thomas loué trésorier
Olivier Le trocquer secrétaire
Vice-présidence 1 : Michèle Riot-Sarcey
Vice-présidence 2 : Laurence de Cock
Président : Catherine Coquery-Vidrovitch

Vote des 6 membres présents du CA :
Vote sur le président par le bureau : 3 votants présents
le président sortant doit devenir membre du bureau de droit (statuts de l’association à modifier)

Activités et fonctionnement du CVUH :
La liste de diffusion doit être utilisée à bon escient : pour développer un argumentaire, donner des infos.
C’est une liste de diffusion interne, donc pas de modérateur. Nous retenons l’idée d’annoncer explicitement en objet de quoi il est question ainsi que la nature de l’intervention (infos/débats)

Jean-Pierre Chrétien : bon débat sur le film La fuite à Varennes.
Par contre, nous nous demandons si le texte de Nouschi avait sa place sur la liste. Débat non tranché. C. Coquery : c’est un coup de gueule d’un historien.
Laurence : pas sa place sur le site, mais sur la liste de diffusion OK de la part d’un membre.

Le site : prévoir une réunion spécifique sur la question de la reconfiguration (choix du logo à régler très vite)
Comité de lecture des textes sur le site : Laurence, Michèle, Gérard, Catherine
Mettre une boite aux lettres sur le site : pour que les gens puissent proposer des textes (proposition de Olivier).
Mars 2008 : le colloque SNES/CVUH sur l’enseignement des questions socialement vives a été publié par les éditions ADAPT. Le lien est sur le site du CVUH
Il y a eu de très nombreuses interventions publiques multiformes (medias, présentations en librairie, fêtes LO, fêtes de l’huma …) : il serait bien d’envoyer dans ce cas un message à Guillaume pour que ce soit annoncé sur le site guillaume.garel@wanadoo.fr dans la rubrique « échos du CVUH »
Agone : deux publications, collection Passé/Présent prend plus de place : livre de Catherine Coquery Les enjeux politiques de l’histoire coloniale et celui d’Emmanuelle Picard et Laurence De Cock, La fabrique scolaire de l’histoire, sont annoncés respectivement pour avril et octobre 2009.
Nous avons également l’idée de compiler certains des textes présents sur le site pour en faire un ouvrage. Nous n’avons en effet pas de livre qui nous présente et ce serait utile. Il faudrait y ajouter une introduction.
Philippe insiste sur les problèmes de calendrier : proposer à l’automne à l’éditeur en septembre, catalogue fait en octobre (il faut qu’il ait une partie en main pour qu’il annonce). Donc le livre doit être très avancé à la rentrée. Nous décidons de la constitution d’un groupe de travail à constituer pour travailler sur le futur livre sur le CVUH : co-direction par les 3 présidentes, élargissement à tout le bureau.
Puis discussion collective.

Projet d’article pour la revue Ecrire l’histoire : numéro thématique « Morale et histoire » échéance 2010 : dirigée par Nathalie Richard. Michèle propose de travailler le thème « éthique et histoire ». cet article serait un bon tremplin pour formaliser une introduction au livre en projet sur le CVUH
Les journées :
4 avril : journée sur les enjeux mémorielles en Europe. Trouver une salle à la Sorbonne par Pierre Serna.
Responsables : Sylvie Aprile / Anne Jollet

25 avril : journée de Montpellier, interventions sur différents thèmes afférents aux « usages publics de l’histoire » 
Responsable : Pierre Schill. Programme à venir.

13 et 16 mai : journées Marseille : « quartiers de mémoires », histoires et mémoires des immigrations marseillaises. Le CVUH prendra en charge les déplacement des intervenants suivants : Gérard Noiriel, Benoît Falaize, Laurence De Cock.
Essaimage international : en Suisse ? voir existence d’associations proches (Charles Heimberg et Mari-Carmen Rodriguez s’en chargent ; peut-être prévoir une journée ?
Charles Heimberg suggère de travailler les différences d’approche sur les lois mémorielles en Europe
Gérard Noiriel confirme, « liberté pour l’histoire » axe sur l’Europe. Il faut que nous soyons compétents sur ce qui se passe à l’étranger. Nous pourrions nous-même traduire en anglais au moins quelques passages de nos interventions sur cette question.
Il faut également faire le point sur ce que se passe ailleurs.

L’après-midi de cette AG a été consacrée à la table ronde (voir précédent CR de réunion). Les interventions seront mises en ligne.