samedi 24 janvier 2009

Compte-rendu de la réunion du lundi 27 octobre 2008 aux archives départementales des Bouches-du-Rhône Compte-rendu de S. Chabani


Compte-rendu de la réunion du lundi 27 octobre 2008 aux archives départementales des Bouches-du-Rhône
18, rue Mirès - BP 10099-13303 Marseille cedex 03

Journées Patrimoine - Education – Immigration Histoire et mémoire des immigrations à Marseille, quels enjeux ? Mercredi 13 et samedi 16 mai 2009

Présents 

-  Laurence De Cock : enseignante en secondaire, à l’IUFM et chercheur à l’INRP (UMR Education et Politique), membre du bureau du CVUH, association créée par Gérard Noiriel (travail sur la mémoire, sur les instrumentalisations politiques de l’histoire et sur le rapprochement entre monde universitaire et monde scolaire)

-  Samia Chabani (ANCRAGES)

-  Ramzi Tadros (ACT)

-  François Gasnault,Directeur

-  Isabelle Langlade-Savi, Responsable du service action culturelle et pédagogique

-  Sabine Raucoule, assistante de conservation, en charge du service pédagogique


Tour de table présentation des participants.

Présentation du CVUH 

-  journées d’étude sur la fabrique scolaire de l’histoire et sur les questions socialement vives développement de relais en région (antenne à Montpellier et en cours à Marseille). L’organisation de ces 2 journées sur l’histoire des immigrations à Marseille serait le point de départ de l’action de cette nouvelle antenne. Enfin, Laurence de Cock évoque les changements de programme scolaire pour 2011, qui intégreront l’histoire de l’immigration, notamment pour les 3e.

- Argumentation de Samia C sur l’intérêt d’associer les AD13, lieux ressources, à ces journées et qui fait lien avec le partenariat engagé entre Ancrages et les AD13 sur la collecte d’archives des associations de l’immigration sur les BDR. Opportunité pour l’équipe pédagogique des AD d’impulser un nouveau dossier documentaire sur la question des immigrations à Marseille dans le prolongement de ceux qui existent…
- Ramzi ajoute que l’organisation de ces journées est née de cette rencontre entre le CVUH et de sa volonté de se développer à Marseille et d’autres volontés locales comme celles d’enseignants et d’associations locales qui oeuvrent pour une meilleure connaissance du phénomène migratoire et qui s’inscrivent dans une volonté de travailler en commun. Ramzi rappelle la volonté d’ACT d’impulser des projets locaux de territoires sur cette thématique et de formaliser à long terme, le réseau qui y contribue… (ex. ACT CRDP…).
Présentation du programme provisoire de ces 2 journées
-  le mercredi se déroule à l’Estaque ( ?) et est axé sur une approche scientifique le matin (conférence de Gérard Noiriel sur l’histoire de l’immigration, intervention de Salva Condro…), l’après-midi serait consacré à une prise de parole des habitants …(à préciser, qui quoi, comment, où) 
-  le samedi serait davantage centré sur l’école et se déroule à l’auditorium des AD13 s’il est disponible : enseignement de l’histoire de l’immigration, présentation des ressources pédagogiques pour les enseignants (comme dossiers pédagogiques écrits par Sylvie Orsoni, dossiers documentaires du secteur pédagogique, archives du centre de rétention d’Arenc, de police, du tribunal administratif) et présentation de l’inventaire des sources réalisé par l’association Génériques.

F Gasnault signale l’intérêt d’impliquer la Direction de l’Education (Claire Britten) et Jeanine Ecochard, conseiller général délégué à l’éducation. Il précise les modalités relatives à la réservation de l’auditorium qui nécessite que le collectif s’adresse au cabinet du Président du CG 13 
F Gasnault propose d’intégrer les interventions d’autres lieux ressources, CNHI, archives municipales…CRDP… pour élargir l’éventail des sources disponibles en direction des enseignants et valide le principe d’une intervention (prise de parole) des AD13 dans me cadre de cette journée.

Communication

-  la publication du programme ne pourra être prise en charge par le Conseil général

-  en revanche, il est possible d’intégrer un paragraphe sur le semestriel des ABD et présenter la manifestation sur www.archives13.fr

-  penser aux autres relais : lettre des IPR, CRDP

Prolongements
-  exposition des travaux d’élèves des établissements marseillais autour de la question des immigrations ? (lieu proposé : hall d’accueil des ABD, il faudra faire le nécessaire pour le matériel d’exposition avec le SAG)
-  publication en lien avec le CRDP ?
Décisions : 
Suite à cette réunion, il est prévu d’ajouter à la réunion du 15/11/08 à la MMA de l’Estaque :

Les questions relatives à :
1. La question de la coordination (qui a un coût…)
2. celle de l’image visuelle du collectif (nom, logo....) pour solliciter de manière cohérente et concertée les différents partenaires locaux en matière d’information et de communication que les journées.
3. Valider un programme plus précis des journées (déroulé, acteurs, lieux, actions, …etc.)
4. Faire le point sur les ressources financières disponibles pour le projet

La répartition des tâches s’organise comme suit : 
1. La réservation de l’auditorium, affaire suivie par Samia
2. Le contact avec les IPR d’histoire-géographie, affaire suivie par Philippe Olivera
3. le contact avec les secteurs recherche université, affaire suivie par Laurence Decock
4. le contact avec d’autres intervenants, affaire suivie par Ramzi

vendredi 23 janvier 2009

Le sabre et le goupillon : ce que sous-tendent les rapports Kaspi et Lemoine par le CVUH



[Article paru dans le journal L’Humanité du 22 janvier 2009]


L’historien André Kaspi, chargé par le gouvernement de mener une réflexion sur les commémorations (Rapport de la commission de réflexion sur la modernisation des commémorations publiques au secrétaire d’État à la Défense, 12 novembre 2008), avait déjà livré une conclusion pour le moins conservatrice : alors que la lettre de mission lui demandait, face à la « désaffection » des cérémonies existantes, des propositions « plus conformes à la diversité de notre pays et plus en phase avec les attentes des jeunes générations », il a en effet préconisé d’en revenir strictement, outre naturellement le 14 juillet, au 11 novembre et au 8 mai, aux dépens (explicites) de journées commémorant l’abolition de l’esclavage ou la mémoire des Justes : « il n’est pas admissible [écrit-il] que la nation cède aux intérêts "communautaristes" et que l’on multiplie les journées de "repentance" … car ce serait affaiblir la conscience nationale », reprenant à son compte la logique « d’anti-repentance » naguère promue par le Président Nicolas Sarkozy depuis sa campagne électorale. La « conscience nationale » ne se construit-elle que dans la mémoire des guerres et des victoires ? Est-ce « se repentir » que d’en appeler au non-oubli, voire au rappel régulier, d’un fait historique constitutif comme les autres d’une histoire commune même s’il révèle la face plus sombre d’un passé partagé ? On ne peut exprimer plus clairement une vision antagoniste de celle suggérée récemment par de Barack Obama : « assumer le poids de notre passé sans en devenir les victimes ».

La conclusion du rapport Kaspi se rapproche étonnamment du contenu du rapport final sur la création d’un musée de l’histoire de France aux Invalides (rapport Hervé Lemoine, avril 2008). La publication de ce rapport avait alors provoqué de nombreuses critiques, dont celles du CVUH , quant à la vision héroïsante et ethnocentrée de l’histoire de France plébiscitée par la muséographie prévue. Depuis, M. Lemoine a multiplié lectures et entretiens afin d’affiner son rapport final, parmi lesquels on remarque le nombre élevé de conseillers militaires (liste en annexe). Néanmoins, sous couvert d’un vernis d’historiographie actualisée, le projet maintient ses caractéristiques initiales. Il demeure hanté par le spectre de la mémoire (commémorations, lois mémorielles) contre lequel il faudrait prôner le retour au « devoir d’histoire », comme si celui-ci pouvait se passer des dimensions mémorielles pour aborder son objet. Se référant à Max Gallo, il vante les vertus de l’ « âme de la France », dans la tradition d’une construction de « lieux de mémoire » officiels qui s’appuie sur des archives codifiées et classées et permet de renchérir sur la continuité de l’Etat. Le rapport précise en outre la vocation motrice et tentaculaire du « Centre » pour les recherches à venir et l’enseignement. 
C’est bel et bien le problème principal soulevé par ce projet : tout en vantant les mérites d’une histoire critique et ceux du débat, rien ne vient questionner le paradigme dominant d’une écriture linéaire et continue de l’histoire ; celle d’une « France » alors que le caractère pluriel de la demande sociale appellerait davantage un musée « des Frances », dans leurs temporalités multiples, dans leurs dimensions sociales et culturelles, dans leur complexité et leur possible désajustement par rapport au continuum événementiel. Ignorant ou niant les recherches en histoire sociale et culturelle développées par les historiens depuis près d’un demi-siècle, le rapport, s’il évoque peu d’événements historiques, suggère de se rassembler autour des figures tutélaires, à la fois civiles et militaires, de Louis XIV, Napoléon et De Gaulle, reprenant le cadre historique des Invalides. En sus, les trois premières dates citées arbitrairement comme fondatrices de ce qui constituerait la nation française convergent pour souligner exclusivement la nature chrétienne de la France : 

- 732 : la bataille de Poitiers, « qui arrête l’invasion arabe et change de ce fait l’histoire de l’Occident » ;
- 1099 : la première croisade, « qui témoigne à la fois de l’essor de l’Europe chrétienne et de ses velléités d’expansion » ; 
- 1685 : la révocation de l’édit de Nantes, « qui confirme la tendance longue dans l’histoire de France au « choix de Rome » 

Ainsi on insiste lourdement dès le départ sur la thèse discutée et discutable du « choc des civilisations », tout en donnant à l’Église un rôle excessif et à la France un rôle européen prématuré. Dans le même ordre d’idée, la place donné au « moment colonial » est limitée, et l’accent est surtout mis sur la fin de la guerre d’Algérie qui entraîne « le déplacement de plus d’un million de Français ».Rien sur le devenir des Français alors dits « de statut musulman » ni sur l’immigration importante en métropole des travailleurs coloniaux ni des ex-colonisés, qui comme les autres ont contribué à façonner notre « identité nationale ».
Décidément, seules la guerre et la croix (le sabre et le goupillon !) paraissent dignes de rassembler les Français… 
Mais est-ce vraiment notre idéal ?

Le CVUH

Les historiens de la Russie face au passé stalinien par Korine Amacher


[Article paru dans Le Temps du 22 décembre 2008]
En Russie, deux nouveaux manuels scolaires d’histoire russe consacrés aux années 1900-1940 et 1945-2007 et destinés aux enseignants suscitent une forte inquiétude et une importante polémique dans le milieu des historiens. Vraisemblablement, rien n’aurait pris tant d’ampleur si ces manuels ne représentaient que quelques manuels de plus parmi tout ceux actuellement disponibles dans les librairies russes, et s’ils ne faisaient pas partie d’un important projet d’élaboration de nouveaux standards d’éducation au niveau fédéral.
Dans un article récent, Alexandre Danilov, l’auteur du premier manuel, et Alexandre Filippov, à qui l’on doit le second, affirment que la « mission de l’histoire » est d’inculquer au futur citoyen russe une « charge positive » à l’égard de son pays. Les historiens ne doivent pas dépeindre le passé comme une longue liste de crimes, auquel cas l’histoire mènera la jeune génération à la « névrose ». Les cours d’histoire doivent apprendre à l’écolier à « aimer sa Patrie ». Cette mission n’en contredit pas une autre, affirment-ils : dire la vérité. C’est pourquoi il faut évoquer les répressions staliniennes, car ces événements ont été conservés dans la mémoire populaire. Toutefois, ajoutent-ils, si dans la mémoire populaire est également resté que Staline a réalisé « plus de bien que de mal », l’historien doit aussi le dire.
Comment alors évoquer les aspects positifs et négatifs du stalinisme ? Par une analyse « rationnelle » des événements, expliquent les deux historiens, laquelle ne se contente pas de « communiquer des faits », mais dévoile leur « logique ».
L’époque stalinienne est donc décrite dans ces manuels comme une période de « modernisation ». L’URSS, véritable « forteresse assiégée », aurait été constamment soumise au danger d’une agression extérieure. La modernisation a donc dû se réaliser dans un délai extrêmement court et dans un contexte international hostile, selon un « système politique mobilisateur », lorsque « les tâches qui se posent à la société » sont formulées par « l’élite politique », laquelle, en raison des contradictions « entre les objectifs fixés et les capacités de la population à les atteindre », doit pour les résoudre utiliser la « violence et la contrainte ».
Pour Danilov, après l’ « échec » de la politique économique des années 1920, la collectivisation des terres initiée dès la fin des années 1920 était la seule alternative pour fournir les ressources nécessaires au développement économique. Quant à la famine des années 1932-1933, elle ne fut, écrit-il, ni organisée, ni dirigée contre un groupe social déterminé, mais résulterait des conditions climatiques et de l’inachèvement du processus de collectivisation. De même, l’industrialisation forcée a transformé le pays en un puissant complexe militaro-industriel, grâce à quoi le pays put garantir sa souveraineté lors de la Seconde Guerre mondiale. Une des raisons principales de la Terreur de 1937-1938, explique-t-il, aurait été l’opposition à cette « modernisation forcée » et la crainte de Staline d’une déstabilisation politique au sein du parti. Après 1938, un autre type de terreur s’installe, mais toujours au service du développement industriel. La terreur « devient un instrument pragmatique de résolution des problèmes de l’économie nationale », les camps de travail une importante aide à l’industrialisation du pays. Certes, écrit Danilov, le prix humain pour l’accomplissement des « tâches grandioses » fut élevé, mais, afin d’éviter les « spéculations » sur le thème des répressions, il suggère de ne prendre en compte dans le calcul des victimes que les personnes condamnées à mort et fusillées. Ce qui revient à laisser de côté toutes les personnes condamnées à des années de goulag, mortes d’épuisement, de faim, de mauvais traitement…

En tout les cas, insiste Danilov, il est important d’expliquer aux écoliers que Staline a agi « dans une situation historique concrète », de façon « rationnelle », comme un dirigeant dont le but est la transformation de son pays menacé par une guerre en un Etat industriel centralisé. Et, conclut l’historien, en « combinant la contrainte et la stimulation morale, en utilisant la menace et l’enthousiasme », le pouvoir a globalement résolu les problèmes qui se posaient au pays à la fin des années 1920.


C’est le même principe explicatif qui guide Filippov. Le pays est victorieux, puissant, il a « libéré » les territoires de l’Europe de l’Est, a vaincu le « Mal absolu ». Le « développement forcé des années 1930-1940 a transformé l’URSS en un puissant Etat industriel, capable de vaincre l’Allemagne, géant industriel de l’Europe ». Toutefois, dans le contexte de la Guerre froide, alors que l’économie du pays était détruite, il a été impossible de « relâcher » le rythme. A nouveau, grâce aux sacrifices de la population et au système de mobilisation des masses, affirme l’auteur, l’URSS retrouve sa puissance économique d’avant la guerre. Et la mort de Staline marque selon lui la fin de la « progression vers les hauteurs économiques et sociales » et de la période de « mobilisation totale des forces nationales ». « C’est précisément durant la période stalinienne que le territoire du pays a été le plus large, atteignant même les frontières de l’ancien empire russe (et à certains endroits, les surpassant) ». Et Filippov relie la politique de Staline à celle de deux de ses prédécesseurs sur l’ « Olympe du pouvoir russe » : Ivan le Terrible et Pierre le Grand, lesquels ont aussi, écrit-il, renforcé la formation étatique russe, à l’aide d’un système autoritaire fortement centralisé. Avec, là aussi, ajoute-t-il néanmoins, les « inévitables » « déformations » qui accompagnent toute centralisation et modernisation forcées.

C’est dans cette atmosphère de « reconstitution » du passé stalinien, où la raison d’Etat est placée au-dessus de toute autre considération, qu’a eu lieu à Moscou en décembre une Conférence internationale sur l’histoire du stalinisme, co-organisée par plusieurs organismes, dont les Archives de la Fédération de Russie, la maison d’Editions ROSSPEN et l’association Memorial, et qui a réuni une centaine de participants.


De l’avis général, la seule chose que les historiens peuvent faire pour contrer cette vision « modernisatrice » du stalinisme, c’est de continuer à publier des études scientifiques dans lesquelles le stalinisme est dépeint tel qu’il fut vraiment. Et les chiffres, rappelés par Oleg Khlevniouk, un des spécialistes les plus réputés de l’époque stalinienne, continuent de faire froid dans le dos : environ 50 millions de personnes ont été soumises à des répressions entre 1930 et 1953. Khlevniouk a en outre insisté sur le caractère organisé des répressions, fortement contrôlées par le pouvoir, qui déterminait des quotas d’arrestations et d’exécutions.
La famine de 1932-1933, ont rappelé les historiens, a été le fruit de la politique de répression de Staline et de son entourage, et visait à « briser » l’opposition de la paysannerie à la collectivisation. Enfin, les chercheurs mettent sérieusement en doute l’affirmation de l’efficacité et de la réussite du système stalinien, et réfutent ainsi la justification historique des méthodes staliniennes comme solution à la « modernisation » du pays.
Toutefois, nombreux ont été les participants à regretter le peu d’influence des conclusions des scientifiques au sein de la société russe. Et comme l’explique l’historien Arseni Roginski, président de l’Association Memorial, si mémoire des répressions staliniennes il y a, il s’agit de celle des victimes, et non des bourreaux. Jusqu’à aujourd’hui, aucun acte juridique en Russie ne qualifie de criminelle la terreur stalinienne. Deux lignes dans la Constitution de 1991 sur la réhabilitation des victimes ne suffisent pas.

Mais les choses sont complexes. La particularité des répressions staliniennes brouille la limite entre le « bien » et le « mal », le bourreau devenant souvent lui-même une victime quelques mois plus tard. À la différence du nazisme, explique Roginski, « nous avons principalement tué ‘les nôtres’, et la conscience refuse d’accepter ce fait ». Cette « impossibilité de se séparer du mal » constitue une des raisons du refoulement de la mémoire de la terreur stalinienne. Or, dans ce mécanisme, le rôle de l’élite politique a été fondamental, ajoute-t-il, il a commencé au milieu des années 1990, lorsque le pouvoir a voulu combler son déficit de légitimité en allant la chercher dans le passé. Elle a tout d’abord « oublié » l’époque soviétique, la société russe des années de la perestroïka étant trop « anti-stalinienne ». La Russie post-soviétique devint ainsi l’héritière de la Grande Russie. Or, comme l’explique encore Roginski, la mémoire de l’époque stalinienne s’est peu à peu confondue avec l’image de la « Grande Russie », tant il était impossible de faire abstraction d’une époque de plus de 70 ans. Le gouvernement du président Poutine a utilisé cette « disponibilité » de reconstruction du passé dans une société russe en quête d’identité. Roginski souligne qu’il ne s’agissait pas d’une réhabilitation de Staline, mais d’une vision d’un grand pays, qui avait toujours su rester puissant et vaincre toutes les adversités. Cette image était nécessaire pour le rétablissement de l’autorité de l’Etat. Toutefois, d’une façon larvée, sur ce fond de « grande puissance » entourée « d’ennemis » est venu se greffer « le profil moustachu du grand guide », explique-t-il. Deux images de l’époque de Staline se concurrençaient désormais. D’un côté la terreur et les crimes, de l’autre la Victoire sur le « Mal », les réussites, la raison de l’Etat et la puissance nucléaire. Or, comment concilier des mémoires antagonistes, s’interroge Roginski ? C’est ainsi, continue-t-il, que la mémoire de la terreur a lentement cédé la place à la mémoire de la Victoire, « sans la mémoire du prix de la victoire », la terreur a été reléguée « à la périphérie de la conscience de masse ». 



Tous les sondages réalisés montrent que pour plus de 50% de la population, Staline est désormais considéré comme un personnage positif. Un grand concours a eu lieu en Russie, relayé par la télévision et Internet. Il s’agissait de choisir le « héros » national de l’année 2008. Staline a obtenu la troisième place, derrière le prince Alexandre Nevski, victorieux des Suédois en 1240 et des chevaliers teutoniques en 1242, et Piotr Stolypine, qui fut le Premier ministre énergique et autoritaire du dernier tsar Nicolas II. Oleg Khlevniouk a rappelé dans une interview que nombre de ceux qui votent aujourd’hui pour Staline n’ont pas en tête sa politique réelle, mais l’image d’un Staline mythique. Si on leur demandait s’ils seraient d’accord de vivre dans une société où règne un état de terreur incessante, soumis au risque constant d’une arrestation et d’une condamnation à mort, le résultat des sondages serait, dit-il, fort différent.



Korine Amacher (Fonds National Suisse pour la recherche scientifique)


Docteur en lettres, ses domaines de recherche portent sur l’histoire russe au 19e et au début du 20e siècles, plus particulièrement les mouvements révolutionnaires, l’historiographie, ainsi que sur les usages du passé dans la Russie actuelle.

lundi 5 janvier 2009

Assemblée Générale du CVUH samedi 17 janvier - EHESS, 105 bd Raspail, Paris


L’assemblée générale du CVUH pour l’année 2009 aura lieu samedi 17 janvier à l’EHESS, 105 boulevard Raspail, salle 4, de 9H à 12H. L’après-midi , une table ronde aura lieu sur le thème de la mémoire et de l’oubli : « Entre histoire et mémoire, usages et enjeux de l’oubli ». Pensez à vérifier que vos cotisations sont à jour.

Matinée :

Assemblée Générale
L’Assemblée générale se déroulera selon l’ordre du jour suivant :
1) L’association CVUH
a. un bilan de l’année 2008
• Bilan moral (Gérard Noiriel) ;
• Bilan financier (Thomas Loué) ;
• Bilan des nouvelles inscriptions et nombre d’adhérents ;
b. le renouvellement des membres du bureau et du CA
• Renouvellement des membres du bureau ;
• Renouvellement des membres du CA ;
Ceux et celles qui souhaitent se porter candidats à une fonction dans l’association sont invitées à le faire savoir au bureau du CVUH.
c. Le fonctionnement de l’association
• Les réunions mensuelles
• Les prises de décision collectives
2. Fonctionnement de la liste de diffusion

• Rappel de l’objet de la liste de diffusion
• Modalités d’inscription
3. Fonctionnement du site CVUH (Guillaume Garel)

• Bilan annuel de fréquentation
• Politique éditoriale et réaménagement du site
4. Bilan des actions de l’année 2008

• Les journées d’étude et colloques ;
• Les conférences du CVUH ;
• Interventions et débats publics ;
• Publications, collection Passé/Présent (Agone) ;
5. Projets et débats pour l’année 2009 et les années suivantes

• Projet de sigle-logo ;
• Collection Passé –Présent et partenariat avec Agone (contrats ; publications à paraître ; projets de livres, etc.) ;
• Journées d’étude et conférences (journée sur les enjeux mémoriels en Europe : 4 avril 2008 ; journée de Montpellier du 25 avril 2008 sur les usages publics de l’histoire ; Histoire(s) et mémoire(s) des immigrations marseillaises, les 13 et 16 mai 2008 à Marseille ; autres projets) ;
• Essaimage et "internationalisation" du CVUH ( CVUH en région ; CVUH étrangers (Suisse, Italie...) ;
• Partenariat avec l’université populaire de Gennevilliers ;
• Approfondissement de la dimension d’éducation populaire du CVUH ;

Après-midi :

Table ronde
[La table ronde aura lieu de 14h à 17h dans la salle Marc Bloch, Université de la Sorbonne (entrée principale, place de la Sorbonne)]
L’après-midi, la table ronde intitulée : « Entre histoire et mémoire, usages et enjeux de l’oubli »partira des interrogations suivantes :
Pour tenter de dépasser les oppositions réductrices à l’encontre des lois mémorielles, nous souhaiterions nous interroger sur l’historicité d’un enjeu historiographique dont le socle d’incompréhension repose sur l’oubli d’événements impossibles à intégrer dans des histoires nationales. L’oubli, parfois associé à l’amnistie, se rapporte presque toujours au conflit interne à une population. Les guerres civiles, les révolutions, les luttes de libération sont souvent l’objet d’effacement par les autorités qui, consciemment ou inconsciemment, recouvrent d’une couche interprétative, au plus près de l’événement, les traces d’affrontements dont furent victimes les contemporains. L’ordre reconstitué tolère rarement les enjeux d’interprétations d’après coup. Toujours une lecture du passé l’emporte sur une constellation d’explications et de commentaires possibles en traçant, en quelque sorte, “un sens de l’histoire” qui sert de référence normative à son écriture. L’apport d’une réflexion sur l’oubli s’avère ainsi nécessaire à toute analyse critique des rapports entre histoire et mémoire.
Cette table ronde sera aussi l’occasion de croiser les points de vue méthodologiques, en faisant une place à la socio-histoire qui s’intéresse plus particulièrement au rôle joué par les différents acteurs sociaux dans la qualification du passé. Cela permettra de rappeler les travaux novateurs de Maurice Halbwachs. Plusieurs exposés seront présentés à partir d’exemples précis : de la 3ème République à la guerre d’Espagne et à la guerre d’Algérie, après une introduction sur les travaux de Nicole Loraux spécialiste de la Grèce antique, qui fut, parmi les historiens, la seule à lier oubli et amnistie en l’analysant en termes d’exercice du pouvoir, et une réflexion sur l’approche socio-historique de l’oubli collectif.

Intervenants :
• Introduction : Michèle Riot-Sarcey : Entre histoire et mémoire, usage et enjeux de l’oubli
• Gérard Noiriel : Approche socio-historique de l’oubli collectif
• Olivier Le Trocquer : « Expérience, mémoire, oubli : les enjeux du refoulement politique au cœur de la construction républicaine. La 3ème république et la crise de 1870-1871 »
• Mari-Carmen Rodriguez : « Usages politiques de l’histoire en Espagne depuis la guerre civile (de la propagande politique a la judiciarisation de la memoire) »
• Sylvie Thénault : « La guerre d’indépendance algérienne : une histoire aux enjeux mémoriels bilatéraux »