mardi 4 décembre 2012

Les Cahiers d'Histoire fêtent leurs 40 ans !




Les Cahiers d’histoire, toute une histoire...


Des Cahiers de l’Institut de Recherches marxistes aux Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique : 1972-2012,

40 années dans la vie d’une revue




Vendredi 7 décembre 19H-21H


Place du Colonel Fabien, salle des conférences

6, ave Mathurin Moreau Paris 19e (métro Colonel Fabien)


L’histoire engage toujours : qu’est-ce qu’une histoire engagée ? quelle est l’histoire dont les luttes émancipatrices ont besoin ?

Historien/nes, acteurs, actrices politiques, associatifs en discuteront.
Présences annoncées : Gilles Candar (historien, Président de la Société d’études jaurésiennes), Laurence de Cock (historienne, Aggiornamento hist-géo), Laurent Colantonio (historien, Université de Poitiers, président du CVUH), Alexis Corbière (secrétaire national, Parti de Gauche), Nicolas Dutent (revue du Projet, PCF), Elisabeth Gauthier (directrice Espaces Marx), Mohammed Ouaddane (Réseau Mémoires-Histoires en Ile-de-France), Rosa Moussaoui (journaliste, L’Humanité), Gilles Pécout (historien, Ecole normale supérieure, Paris), Eloi Simon (animateur UEC).
Rencontre animée par Anne Jollet et Pascal Guillot, rédaction des Cahiers d’histoire.


Samedi 8 décembre 9H30-18H30
Salle Dussane, ENS, 45, rue d’Ulm, 75005 Paris (métro Censier, Luxembourg, bus 27, 21, 89)


Les Cahiers font leur histoire

Introduction : Anne Jollet, coordonnatrice de la rédaction des Cahiers d’histoire. Revue

d’histoire critique
9H45 H-11H15

Des acteurs des années 1970-1980 à celles et ceux d’aujourd’hui : quelle revue pour quelle histoire ?

Présences annoncées : Roger Bourderon (historien, ancien rédacteur en chef des Cahiers), Richard Lagache (ancien secrétaire de rédaction), Frédéric Genevée (ancien rédacteur en chef), Maurice Genty (ancien secrétaire de rédaction), Annie Lacroix-Riz (ancienne membre du comité de rédaction), Francette Lazard (ancienne dirigeante de l’Institut de Recherches marxistes), Marie-Claude L’Huillier (ancienne membre du comité de rédaction), Roger Martelli (ancien rédacteur en chef), Jean-Yves Mollier (historien, membre du Conseil de rédaction), Jean-Paul Scot (historien), Jean-François Wagniart (membre du comité de rédaction), Claude Willard (historien).
Rencontre animée par Guillaume Quashie-Vauclin et Annie Burger
PAUSE
11H30 – 13H

L’histoire du communisme, au cœur de l’histoire des Cahiers d’histoire ?

Présences annoncées : Giorgio Caredda (historien, Université la Sapienza, Rome), Michel Dreyfus (directeur de recherche émérite, CNRS, université de Paris 1), Natacha Lillo (historienne, université de Paris-Diderot Paris 7), Roger Martelli (historien), Claude Pennetier (directeur du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier Jean Maitron), Antony Todorov (politiste, Nouvelle université bulgare de Sofia), Serge Wolikow (historien).

Table ronde animée par Marco di Maggio BUFFET

14H15- 15H45


L’histoire des Cahiers d’histoire : quelle place pour l’histoire des révolutions et des luttes sociales ?

Présences annoncées : Fabien Archambault (historien, Université de Limoges), Pascal Dupuy (historien, Université de Rouen), Caroline Fayolle (historienne, Université de Paris VIII), Claude Mazauric (historien), Stéphane Sirot (historien).
Table ronde animée par Jean-Numa Ducange et Chloé Maurel PAUSE
16H00- 17H30

L’histoire des Cahiers d’histoire: histoire des dominations, histoire des subversions, une histoire des émancipations ? Histoire des savoirs, histoire du genre ,histoire coloniale et post-coloniale.

Présences annoncées : Catherine Blain (architecte , Ecole d’architecture de Versailles), Catherine Coquery-Vidrovitch (historienne), Jacques Couland (historien), Didier Monciaud (historien), Jérôme Lamy (historien des sciences, Université de Toulouse 2), Massimo Prearo (politiste, Université de La Rochelle).

Table ronde animée par David Hamelin et Frank Noulin 17H30-18H30

Conclusion


Les Cahiers vus d’ailleurs : quel devenir pour une revue d’histoire critique en 2012 ?

Diront leur point de vue : Pierre Boichu (Archives départementales de Seine-Saint-Denis), Blaise Dufal (médiéviste), Priscilla Ferguson (sociologue, Université de Columbia, Etats- Unis), Laurent Willemez (sociologue, Université de Saint-Quentin-en-Yvelines).


Contacts : http://chrhc.revues.org/ 01 42 17 45 27/06 89 93 03 71 http://www.facebook.com/cahiers.dhistoire
Adresse 6 avenue Mathurin Moreau 75167 Paris cedex 19

Nous remercions la Fondation Gabriel Péri pour le soutien apporté à cette manifestation http://www.gabrielperi.fr/ 






vendredi 16 novembre 2012

Les forfaitures intellectuelles de B. Lugan par Michel Deniau.

Dès l’époque de la décolonisation le combat a été féroce pour savoir si le colonisateur était responsable de déprédations ou autres exactions sur les populations colonisées ou si son action était le résultat d’une « oeuvre bienfaitrice » qui aurait émancipé les populations locales de la « barbarie » qui les auraien soi-disant caractérisées précédemment. Nous sommes désormais loin de discours aussi caricaturaux, même si on retrouve dans une certaine mesure un peu de l’accusation de « barbarie » pré-coloniale avec les dires de Nicolas Sarkozy lors de sa visite à Dakar en 2007. Néanmoins, il demeure que des reliques mémorielles sont encore en circulation actuellement et que ces débats ont pris des tours souvent identitaires voir politiques. Néanmoins, il serait faux de croire que ces confrontations idéologiques ne sont l’oeuvre que de personnes de la « société civile » (associations, politiques, etc.) et que les historiens seraient loin de tout cela ou n’agiraient, souvent à bon droit, que comme des « redresseurs de torts ».
Le but de ce billet est de s’attaquer à un débat au sein duquel certains historiens brillent par un oubli manifeste de la méthode historique, mais aussi par une vision idéologique des choses. Le sujet abordé est relativement ancien, mais il a connu de récents rebondissements en octobre dernier du fait d’évènements, de déclarations officielles et des réactions qu’il a suscité. Il s’agit de la véracité, de l’ampleur et de la nature de la répression de la manifestation illégale du FLN à Paris le 17 octobre 1961.
Historiographiquement le débat sur la manifestation du 17 octobre 1961 est relativement récent puisque mis à part un ouvrage écrit à chaud par Paulette Péju (Ratonnades à Paris) paru en 1961 et un roman de Didier Daeninckx (Meurtre pour mémoire) publié en 1984 (présentation de l’ouvrage par l’auteur ici), il faut attendre les années 1990 pour pouvoir lire une production historique sur le sujet. Le premier livre (La bataille de Paris – 17 octobre 1961, Paris, 1991) est issu de la plume de Jean-Luc Einaudi, un historien non professionnel et membre du Parti Communiste Marxiste Léniniste de France. Dans celui-ci l’auteur affirme que la police aurait fait environ 300 morts. Le second ouvrage (Police contre FLN. Le drame d’octobre 1961, Paris, 1999) est l’oeuvre de l’historien Jean-Paul Brunet où, grâce notamment à l’ouverture de certaines archives rendue possible par l’ouverture du très médiatique procès Papon en 1997, il abaisse considérablement le chiffre d’Einaudi pour avancer un total d’environ 30 à 50 morts et encore en comptant « très large », comme il l’explique dans cet article de 2011. Peu avant, en 1998, l’ouverture des archives a été accompagnée par la nomination d’une commission par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Jean-Pierre Chevènement, sous la direction du haut-fonctionnaire Dieudonné Mandelkern. Avec pour titre « Rapport sur les archives de la Préfecture de police relatives à la manifestation organisée par le FLN le 17 octobre 1961 », elle avait donc pour but d’apporter des éléments au dossier. L’étude conclut en restant relativement évasive et prudente :
« Parmi ces chiffres, celui des morts serait le plus significatif s’il pouvait être donné avec assurance. Tel n’est pas le cas. Mais à supposer même que l’on ajoute au bilan officiel de sept morts la totalité des vingt-cinq cas figurant à l’annexe III, et que l’on considère que les facteurs d’incertitude, et notamment ceux qui tiennent aux limites géographiques de l’étude, justifient une certaine majoration, on reste au niveau des dizaines, ce qui est considérable, mais très inférieur aux quelques centaines de victimes dont il a parfois été question. »
Il demeure que l’ordre de grandeur est celui auquel aboutira Jean-Paul Brunet en 1999. Enfin, très récemment, le 17 octobre 2012, le président de la République François Hollande a publié le communiqué, relativement laconique, suivant :
« Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes. »
Le même jour l’historien africaniste, ancien maître de conférences en histoire africaine à l’université Lyon III, Bernard Lugan s’est fendu sur son blog d’un article intitulé « Après l’esclavage, le 17 octobre 1961… La coupe de la repentance déborde ! ». Il réitère l’affirmation de sa pensée dans une vidéo (« Quand la coupe de la repentance déborde») publiée le 30 octobre 2012. La première partie de cette vidéo étudie également la traite négrière. S’appuyant sur des considérations géographiques et, à l’instar de Jean-Paul Brunet, sur l’analyse des entrées à l’Institut Médico-Légal de Paris pour les jours avant et après le 17 octobre 1961, Bernard Lugan affirme que le nombre de morts serait au maximum de 2.
Une fois ces prolégomènes établis, venons-en aux forfaitures intellectuelles qu’il est possible de relever chez Bernard Lugan. La première, et peut-être la plus importante, est celle de sa soit-disant objectivité historienne. Dans la vidéo citée précédemment (entre 0’30 et 1’00) il se drape fièrement dans sa dignité historienne en affirmant que :
« Je suis historien et non pas homme politique ce qui fait que mon approche va être uniquement historique dans la mesure où pour l’historien cette double reconnaissance, cette double repentance est particulièrement inacceptable. »
Or, à l’étude de sa prose sur le sujet on s’aperçoit relativement rapidement que l’attaque a une portée politique puisqu’il n’hésite pas à écrire que « François Hollande s’est comporté en militant sectaire, non en président de tous les Français ». Or, François Hollande n’a fait que prendre une décision en s’appuyant sur un consensus scientifique – il y a eu des morts dues aux actions des forces de l’ordre françaises – tout en se gardant bien d’en préciser l’ampleur, ce débat étant encore relativement ouvert.
Désormais attardons-nous sur le terme de « repentance ». En suivant la définition d’un dictionnaire usuel tel que le Larousse, on aboutit à la définition suivante :
« Regret douloureux de ses péchés ».
Par ailleurs, le terme de « repentance » est historiographiquement connoté et constitue l’élément idéologique central de nombreux discours ou livres polémiques, notamment celui de Daniel Lefeuvre Comment en finir avec la repentance coloniale.
Mais cela est-ce si étonnant après tout ? En effet, si on s’intéresse d’un peu plus près au parcours de Bernard Lugan on peut découvrir qu’une pétition avait été lancée par 55 africanistes contre lui. De même on le retrouve aux pages 71-73 d’un rapport dirigé par Henry Rousso en 2004 (« Commission sur le racisme et le négationnisme à l’université Jean-Moulin Lyon III ») dans des propos relativement peu élogieux :
« Avec celui de Bruno Gollnisch, le recrutement de Bernard Lugan est l’un de ceux qui ne paraît donc pas directement lié à des considérations politiques, même si, là encore, il est plus que vraisemblable que Lyon III se soit montrée ouvertement « tolérante » (Jacques Marlaud) à l’égard de ces profils « atypiques », autant pour des raisons pragmatiques (recruter des enseignants) que pour des raisons idéologiques, une politique parfaitement connue du ministère. Bernard Lugan est en effet lui aussi proche des milieux de l’extrême droite, mais il est de tendance monarchiste et ne fait pas partie de la mouvance du GRECE comme la plupart des autres enseignants cités ici. C’est un ancien membre de l’Action française : il a eu en charge « les commissaires d’AF », le service d’ordre, qui mène des opérations de commando contre les groupes d’extrême gauche, en 1968 et après, alors que cette mouvance est en plein déclin. Dans les années 1980, il commence à se faire connaître et même reconnaître par un large public, pour ses ouvrages sur l’Afrique, notamment sur l’Afrique du Sud, pour lesquels il obtient plusieurs prix, dont celui de l’Académie française. Il participe également, de manière régulière, à des journaux comme Minute-La France, National-Hebdo, Présent, apparaissant de plus en plus comme le spécialiste de l’Afrique dans ces milieux, et développant des thèses violemment hostiles au tiers-mondisme et à l’anticolonialisme. »
En recoupant d’autres informations glanées çà et là sur internet, le blog personnel de Bernard Lugan ne possédant pas de section biographie, il est possible d’apprendre que la thèse d’Etat, Entre les servitudes de la houe et les sortilèges de la vache : le monde rural dans l’ancien Rwanda, a reçu un jugement sévère de la part de son propre directeur, Jean-Louis Miège, alors que l’auteur argue d’une mention « TB » peu vérifiable. On y apprend que monsieur Miège ne cache pas « ses réticences, ouvrant une discussion approfondie sur les sources, la bibliographie et déniant au travail le caractère d’histoire fiable ». La subjectivité de Bernard Lugan filtre à travers quelques titres de sa bibliographie, notamment Afrique : de la colonisation philanthropique à la recolonisation humanitaire (1995) ou Pour en finir avec la colonisation. L’Europe et l’Afrique du XVème siècle à nos jours (2006). Enfin, les liens unissant une certaine frange de l’extrême-droite et Bernard Lugan ne se démentent pas en 2012 puisque le site d’information fondé par Alain Soral fait de la publicité pour la prochaine conférence de l’historien africaniste à Lyon.
Désormais venons-en au fond même de « l’affaire » du 17 octobre 1961. Comme expliqué précédemment Bernard Lugan tend à vouloir baisser le chiffre de morts dues aux actions de la police française suite à la manifestation. C’est là la deuxième forfaiture intellectuelle de l’auteur. Pour diminuer le chiffre l’auteur retient une aire extrêmement restreinte pour le périmètre de la manifestation, le tout sans aucune indication géographique telle que « de la place X à la rue Y », ce qui fait que des cadavres qui se situeraient en dehors seraient nécessairement des victimes du FLN. Sur la question du périmètre la commission Mandelkern rappelle que cela est une grande source d’incertitudes.
Par ailleurs, l’autre argument massue de Bernard Lugan est d’affirmer que les noyades de « Nord-Africains », selon la terminologie de l’époque, sont forcément l’oeuvre du FLN. Certes, il est vrai que la noyade est une méthode d’assassinat largement privilégiée des Frontistes et que le FLN a profité de la manifestation pour éliminer certains opposants du MNA de Messali Hadj, mais si nous possédons un peu de mauvais esprit, et tout bon historien doit en posséder pour pouvoir mettre en doute le témoignage des protagonistes, il n’est pas impossible d’envisager l’hypothèse, au moins comme élément de réflexion et de travail, que les forces de l’ordre françaises aient jeté à l’eau des cadavres pour en rejeter la responsabilité sur le FLN. Même s’il est fortement probable que cela ne reflète pas la réalité, il demeure qu’il s’agit d’une nécessaire précaution méthodologique étant donné que de larges zones d’ombre entourent la manifestation du 17 octobre 1961. Toutefois, Bernard Lugan ne prend pas la peine d’envisager cette éventualité, ne serait-ce que pour la réfuter dans la foulée, puisque le but de son argumentaire n’est pas de s’approcher de la réalitée passée, mais de dédouaner la police française de toutes les accusations pesant sur elle afin d’éviter que la « coupe de la repentance » ne déborde. Pour cela il n’hésite pas d’ailleurs à tordre les dires de la commission Mandelkern puisqu’il explique que
« [...] le rapport remis par cette commission fit litière des accusations portées contre la police française. Or, ce rapport consultable sur le net n’a visiblement pas été lu par François Hollande. »
Or, dans la conclusion du rapport de la commission, cité précédemment, monsieur Mandelkern et ses collègues expliquent que si l’ampleur du nombre de morts peut être discutable, ce qui est légitime, l’existence des meurtres par la police ne peut en aucun cas être remise en cause. Certes, Bernard Lugan reconnait du bout des lèvres le meurtre par la police de deux personnes, mais dans un cas le policier responsable invoque la légitime défense ce qui, pour Bernard Lugan, semble le dédouaner sans nécessité d’une quelconque autre forme de scepticisme. Le dernier exemple fait l’objet d’un laconique « Le 20 octobre, Amar Malek tué par balles par un gendarme. » ce qui pourrait faire penser à une possible forme de bavure donc possiblement excusable.
In fine tout cela permet de mettre en évidence que Bernard Lugan fait œuvre non d’historien, mais de militant idéologique. Si son opinion sur la part de responsabilité de la police française dans les morts du 17 octobre 1961 est une éventualité à considérer, l’opacité du dossier oblige à ce que l’historien conclut de manière prudente en attendant de nouvelles sources.


Ce texte a été à l'origine mis en ligne sur le blog de l'auteur : https://unetudianthistorien.wordpress.com

samedi 3 novembre 2012

Journée d'études du CVUH (4) : Histoire et séries TV.





La dernière table ronde de la journée d'étude du CVUH qui s'est tenue le 2 juin 2012 est consacrée à la série "Un village français".

J-P Azéma, T. Bonzon et I. Deroide (historiens) et F. Krivine (scénariste) interrogent les enjeux de la scénarisation dans l'écriture d'une série historique. 

La table ronde est animée par S. Aprile. 






lundi 22 octobre 2012

Journée d'études du CVUH : Histoire et séries TV (3)


"Louis XVI l'homme qui ne voulait pas être roi"de T. Binisti
diffusé sur France 2 en novembre 2011.
Le 2 juin 2012, le CVUH organisait sa deuxième journée d'études de l'année sur le thème "Histoire et médias" focalisant son attention sur les rapports entre histoire et séries tv. Constatant le succès grandissant des séries télévisées, le CVUH proposait à différents intervenants, journalistes, historiens, scénaristes de questionner ces fictions afin de déterminer ce qu'elles donnent à voir et à comprendre des moments d'histoire qu'elles explorent et d'interroger les enjeux historiographies sous-jacents à ces productions.

Cette troisième table ronde évoque tour à tour "Héros et anti héros de la Révolution française" autour des figures de louis XVI et Robespierre à l'écran.



dimanche 14 octobre 2012

L'agenda du CVUH aux rendez vous de l'histoire de Blois 2012.




Pour ceux qui se rendent à Blois aux Rendez Vous de l'Histoire, à la fin de cette semaine, voici un agenda qui vous permet de suivre activités, publications et membres éminents de l'association qui, s'ils n'y interviennent pas es-qualité, sont néanmoins présents :

  • Dimanche 20-10  à 9h30 à la Bibliothèque de l'Abbé Grégoire les auteurs de Pourquoi Faire la Révolution et P. Olivera vous attendent pour une table ronde-débat autour de la dernière publication de l'association dans la collection passé&présent d'Agone.

  • Pendant tout la durée des rendez vous, vous pouvez retrouver l'ensemble des publications de la collection sur le stand AGONE/CVUH du salon du livre stand 158. Des flyers permettant d'adhérer à l'association seront à votre disposition. 
*  *  *  *  *

Tables rondes et conférences auxquelles participent des membres de l'association (merci de vous signaler sur la liste de diffusion si je vous ai oublié car le programme est dense) : 

  • Jeudi 18-10 à 14 h Salle Lavoisier : Les paysans immigrés en France : les Algériens durant la guerre d'Algérie avec P. Derder
  • Vendredi 19-10 à 11 h Amphi 1 université : Une Histoire de France du XXI siècle avec S. Aprile.
à 13h45 IUFM Migrantes polonaises dans les fermes de la région centre dans l'Entre deux guerres avec S. Aprile.

à 15h30 IUFM, salle 23  : Comment enseigner la guerre d'Algérie et l'immigration algérienne avec L. de Cock et P. Derder

  • Samedi 20-10  à 9h15 Amphi 2 Université : Identités paysannes comparées avec Anne Jollet.
                                   à 17h30 salle Lavoisier du Conseil GénéralComment enseigner la mémoire ? avec L. de Cock et C. Heimberg.
  • Dimanche 21-10 à 11h30 Amphi vert CCI : Paysans en lutte de la Révolution à nos jours avec Anne Jollet
Pour ceux qui n'auraient pas lu ou vu l'information dans le mot du Président d'hier j'ajoute à cette liste la table ronde le dimanche 21 octobre à 14h,  sur les « Disettes et famines » (Amphi 2, université) qui réunit  Guido Alfani, Gérard Béaur, Laurent Feller, Gilles van Kote et Cormac Ó Gráda, ce dernier étant un de plus importants spécialistes du monde à travailler la question des famines.


mardi 9 octobre 2012

Journée d'études du CVUH : Histoire et séries TV (2)


Le 2 juin 2012, le CVUH organisait sa deuxième journée d'études de l'année sur le thème "Histoire et médias" focalisant son attention sur les rapports entre histoire et séries tv.

Constatant le succès grandissant des séries télévisées, le CVUH proposait à différents intervenants, journalistes, historiens, scénaristes de questionner ces fictions afin de déterminer ce qu'elles donnent à voir et à comprendre des moments d'histoire qu'elles explorent et d'interroger les enjeux historiographies sous-jacents à ces productions.

Cette deuxième table ronde avec P. Boucheron et E. Le Nabour s'intéresse à la  série Kaamelott et l'imaginaire du Moyen Age :






La prochaine table ronde mise en ligne sera à "Héros et anti héros de la révolution française".

To be continued...

jeudi 4 octobre 2012

Journée d'études du CVUH : Histoire et séries TV (1)


Le 2 juin 2012, le CVUH organisait sa deuxième journée d'études de l'année sur le thème "Histoire et médias" focalisant son attention sur les rapports entre histoire et séries tv.

Constatant le succès grandissant des séries télévisées, le CVUH proposait à différents intervenants, journalistes, historiens, scénaristes de questionner ces fictions afin de déterminer ce qu'elles donnent à voir et à comprendre des moments d'histoire qu'elles explorent et d'interroger les enjeux historiographies sous-jacents à ces productions.

Les différentes table rondes sont désormais consultables en vidéo. Elles seront mises en ligne en 4 temps. Pour cette première restitution, vous retrouverez une des contributions de la matinée : 

Rome : Retour sur le succès d'une série historique et ses débats historiographiques. 

Avec Pierre Langlais (Journaliste) et Vivien Bessière (Université de Toulouse 2). 










Prochaine table ronde : Kamelott et l'imaginaire du Moyen Age aujourd'hui.

To be continued ...

mardi 25 septembre 2012

« La Résistance » ou le balancier de l’histoire par Sonia Combe.

Ce texte a été publié dans la revue Témoigner entre histoire et mémoire, revue de la Fondation Auschwitz de Belgique, n°108, septembre 2010, dossier « Témoins et historiens à l’épreuve de l’écriture filmique ». Il est reproduit ici avec l’autorisation de la revue.



« La Résistance », docu-fiction diffusé en prime time à l’automne 2008, semble avoir définitivement légitimé le genre. En atteste sa réception auprès de la presse, dont les critiques n’ont pratiquement pas porté sur la forme, et auprès du public puisque ce docu-fiction qui appartient au genre du documentaire historique généralement relégué aux cases horaires plus tardives, aurait, selon les estimations de l’audimat, avec ses 4,5 millions de téléspectateurs, devancé « Jurassic Park » de Steven Spielberg (4,4 millions) et l’émission de Mireille Dumas « Vie privée, vie publique » (3,5 millions) au programme de la même soirée.
Cette performance tient au fait que le réalisateur à l’origine du projet, Christoph Nick, a su s’adjoindre les compétences nécessaires et bénéficier d’un budget plus que conséquent (6 millions d’euros). C’est là le fruit de la collaboration de deux chaînes du service public, France 2 et France 5. Composé de documentaires-fictions (2 fois 90 minutes) produits par France 2 et de documentaires (4 fois 52 minute) produits par France 5, « La Résistance » a mobilisé en tout 3 réalisateurs, 110 comédiens, 1500 figurants, 2 documentalistes et 10 historiens. Sans compter quelques « aimables participations » dont les bénéfices secondaires peuvent être gratifiants en termes d’image et, last but not least, le patronage de Simone Veil. On avait donc à faire à un travail doublement accrédité, à la fois par un témoin doté d’un fort capital symbolique et par les savants.

mercredi 19 septembre 2012

Rencontre débat à la fête de l'Huma autour de Pourquoi faire la Révolution.

Samedi 15 septembre au village du livre de la fête de l'Humanité se tenait une rencontre débat autour du livre Pourquoi faire la Révolution.
Anne Jollet, vice présidente du CVUH, a questionné deux des auteurs, Jean Luc Chappey et Guillaume Mazeau, membres de l'Institut d'Etudes de la Révolution Française, afin de revenir sur les raisons qui présidèrent à la rédaction de cet ouvrage, et de mettre en avant l'actualité de la révolution loin des visions historiographiques qui résumèrent cet évènement à un déchainement de violences préfigurant, notamment les violences de masse et totalitarisme du XXème siècle.

Pour ceux qui n'ont pu être présents, quelques photos et surtout l'enregistrement de ce moment qui attira une foule nombreuse. 










Quelques photos à gauche : Jean Luc Chappey,
à droite Guillaume Mazeau, auteurs de

Pourquoi faire la Révolution.




Cliquez sur l'image pour
 télécharger le fichier.

Remerciements à Christophe Naudin pour l'enregistrement.

lundi 10 septembre 2012

Pourquoi faire la Révolution et le CVUH à la fête de l'Humanité.














Samedi 15 Septembre, à 14h00

au Village du livre,

 Fête de l’Humanité 
le CVUH vous convie autour de :

POUR QUOI FAIRE LA REVOLUTION


Avec Jean-Luc Chappey et Frédéric Régent, enseignants à l’Université de Paris 1, Institut d’Histoire de la Révolution française, et  Anne Jollet, enseignante à l’université de Poitiers, directrice des Cahiers d'histoire. Revue d’histoire critique

Autour du livre publié aux éditions Agone, Pour quoi faire la Révolution, deux des auteurs, Jean-Luc Chappey et Frédéric Régent, interpellés par Anne Jollet, directrice des Cahiers d'histoire, reviendront sur le pourquoi de ce livre écrit à cinq mains par les chercheurs de l'Institut d'Histoire de la Révolution de Paris 1 : ces historiens ont voulu reprendre les apports des recherches récentes et dire de façon percutante que la Révolution française ne fut pas cette monstruosité faite de violences inutiles décrite par les historiens conservateurs et redite sans relâche depuis vingt ans pour le grand public. La Révolution française fut bien plutôt le "laboratoire de la modernité", dans tous les domaines et avec toutes les contradictions entre poussée émancipatrice et légitimation de nouvelles formes de domination qui remuent notre monde d'aujourd'hui.



Programme et informations sur http://fete.humanite.fr/

jeudi 6 septembre 2012

Réunion de rentrée du CVUH.



Le mercredi 12 septembre 2012, à 18 h 
le CVUH tient sa réunion de rentrée.

A l'EHESS
105 Boulevard Raspail 
En salle 2.


Ordre du jour :
  • Les prochains rendez vous du CVUH à la fête de l'Humanité et aux Rendez vous de l'Histoire de Blois.
  • Les prochaines journées d'étude du CVUH : calendrier et contenus.
  • Point sur les publications de la collection passé&présent.


La réunion se tiendra en présence des membres du Conseil d'administration de l'association.
Elles est ouverte à tous.

lundi 27 août 2012

Vague brune sur l'histoire de France : réponse au Figaro Magazine.


Ceux qui souhaitent réintroduire les valeurs nationalistes et chrétiennes à l’école continuent de mentir sur la manière dont l’histoire est enseignée aux enfants.
A la rentrée 2010 déjà, puis en 2011 jour pour jour, Dimitri Casali attaquait les nouveaux programmes d’histoire-géographie en prétendant que ceux-ci ne faisaient plus « aimer la France ». Relayée par certains médias complaisants au nom de la défense de l’« identité nationale », cette campagne avait d’abord pris la forme d’une pétition largement signée où se côtoyaient Max Gallo, Stéphane Bern, Frédérik Gersal et Eric Zemmour, avant de donner naissance à une page Facebook sous l’exergue : « Louis XIV, Napoléon, c'est notre Histoire, pas Songhaï ou Monomotapa » (1)
On y trouvait tous les clichés les plus simplistes et scandaleux : nos enfants étudieraient davantage l’histoire de la Chine ou de l’Afrique que celle de leur propre pays, la chronologie de la nation serait volontairement dissoute dans l’histoire du monde, les écoliers ne connaîtraient plus les rois et héros qui auraient bâti la nation. Ces affabulations avaient aussitôt soulevé un tollé général. Elles ont été démenties par de nombreux historiens, ainsi que par les principales associations de professeurs d’histoire-géographie. Contrairement à ce que prétendent les signataires, ni Napoléon ni Louis XIV n’ont disparu des programmes scolaires. Quant à la partie « Regards sur l’Afrique », elle n’occupe que 10% du temps consacré à l’histoire de la classe de 5e.
Flattant quelques racistes et xénophobes, cette polémique a provoqué de virulentes menaces et attaques antisémites contre Laurent Wirth, alors doyen de l’Inspection Générale, accusé d’être à la tête d’un vaste complot visant à brader l’histoire de France. (2)
Malgré cela, la polémique apparemment fait vendre puisqu’elle revient en cette rentrée 2012, avec une rare violence, dans un article du Figaro Magazine du 24 août intitulé « Qui veut casser l’histoire de France ? », soutenant la sortie simultanée de trois pamphlets dirigés contre les programmes actuels. L’école est accusée d’avoir sacrifié la chronologie au profit de l’apprentissage de la critique des sources, que Jean Sevillia, auteur de l’article – grand redresseur de torts de l’histoire de France – juge prématurée et artificielle au collège. Fustigeant le multiculturalisme des programmes, il soutient que l’enseignement de l’histoire doit participer au retour du « roman national » qui unifierait la nation en démontrant « les continuités qui caractérisent la France, communauté réunie autour d’un Etat, monarchique puis républicain, du Moyen Âge à nos jours ». Vision nostalgique d’un enseignement de l’histoire présumé servir à fabriquer des petits Français « de souche » ; vision passéiste aussi, d’une école dont la mission ne serait pas de former de jeunes citoyens à exercer leur esprit critique et à se méfier des instrumentalisations de l’histoire, mais à ânonner des dates et des notices biographiques ; vision scientifiquement dépassée, totalement ignorante des problématiques post nationales adoptées par les chercheurs du monde entier ; vision archaïque enfin jusque dans le vocabulaire utilisé par l’auteur pour décrire le système éducatif : Jean Sévillia ne sait pas que le statut d’ « assistant de faculté » qu’il évoque n’existe plus depuis la loi Savary 1984, mais que l’on parle, au XXIe siècle, de « maître de conférences »…
L’article du Figaro va bien au delà des poncifs les plus réactionnaires. Les propos transpirent le racisme et l’islamophobie. Ainsi l’enseignement de la traite en est réduit à une « initiation au monde extérieur », celui de l’Afrique sub-saharienne ou de la Chine rabaissé à un vague circuit touristique « volontiers exotique », sans doute comme ces empereurs aztèques « aux noms imprononçables » (p 23-24). Parmi les auteurs « de la rentrée » plébiscités, Laurent Wetzel, ancien Inspecteur d’académie, dont on aurait pu attendre une connaissance minimale des programmes, prétend que l’islamisme n’est pas enseigné en classe de 1ère. Faux puisqu’on y étudie le 11 septembre 2001. Vincent Badré nous révèle les coulisses du vaste complot étatique contre l’histoire scolaire, assène quatre contre-vérités qui révèlent la méconnaissance totale de ce que sont les manuels scolaires que ces pourfendeurs continuent de confondre avec les programmes et les pratiques de classe. Dimitri Casali nous promet sa charge annuelle contre « tout qui fout le camp ma bonne dame » et, guest star, Lorant Deutsch permet au Figaro de rappeler la croisade de l’acteur contre l’extrême-gauche (3).
Jean Sevillia, toujours prompt à débusquer le « politiquement correct », s’essaye, lui, à une histoire de l’enseignement de l’histoire où l’on apprend que les années 1970-1980 ont connu la fin de la chronologie et des thématiques nationalo-centrées . Veut-il parler des programmes de Chevènement de 1985 ? Sait-il que les débats sur le chronologique vs le thématique existent depuis les années 1930 dans l’enseignement ? Mais l’implicite est clair : une fois encore, il s’agit de condamner les héritiers des soixante-huitards qui ont saboté l’école.
Nous avons été de ceux qui ont dénoncé les programmes de 1ère au nom d’arguments professionnels et historiographiques. En reprendre quelques uns et les amalgamer à de telles obsessions droitières relève véritablement de l’imposture.
Cette offensive éditoriale ne vient évidemment pas de nulle part. Outre Jean Sévillia lui- même, proche des milieux royalistes et catholiques conservateurs, les auteurs des livres dont il fait la promotion sont tellement connus pour leurs prises de position idéologiques que leur crédibilité est engagée : « sacrifier la maison de l’histoire de France et relancer la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI), c’est ce qu’on appelle un choix » écrit Jean Sévillia. Certes, et tout est dit.
Laurence De Cock, Eric Fournier, Guillaume Mazeau, historiens et enseignants. Pour le collectif Aggiornamento histoire-géographie et le CVUH
1 La page Facebook : http://www.facebook.com/groups/129520047090191/ Et les réponses en 2010 et 2011 du CVUH : http://cvuh.blogspot.fr/2011/09/pourquoi-il-faut-enseigner-lhistoire.html et http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/ 170910/les-reacs-au-piquet

2 Voir le communiqué de l’APHG : http://aggiornamento.hypotheses.org/798
3 Pour un rappel de l’affaire Lorant deutsch, voir http://cvuh.blogspot.fr/2012/06/metronome- un-succes-historique.html


Vincent Badré nous demande la publication d’un droit de réponse, que nous indiquons sous la forme d’un lien vers son blog: http://www.histoirefabriquee.com/reponses/

mercredi 11 juillet 2012

Communiqué du CVUH à propos de "Metronome".

Le CVUH souhaite revenir brièvement sur les raisons de son soutien aux critiques du métronome impulsées par William Blanc (les Goliards) et Christophe Naudin (Histoire pour tous).

La mise en scène médiatique d'un face à face Blanc/Deutsch, depuis la dénonciation d'un élu FDG du soutien officiel de la mairie de Paris à l'ouvrage de Lorànt Deutsch, couvre l'importance de la critique déjà faite et à poursuivre. 

Nous ne considérons pas que l'histoire appartient aux historiens et qu'il convient de traquer toutes les contre-vérités historiques des ouvrages relevant du champ historique. En revanche, qu'un livre comme  Métronome, vertement antirépublicain et truffé d'erreurs grossières, connaisse un tel succès, ne peut que nous interroger. 

En ce sens, le travail de déconstruction entamé par William Blanc et Christophe Naudin procède d'une nécessaire vigilance sur les instrumentalisations et détournements de l'histoire à des fins politiques. Pointer les réseaux éditoriaux, médiatiques et politiques de soutien et promotion à des ouvrages comme  Métronome ne relève pas d'un pointillisme sourcilleux, mais du souci de s'inscrire dans un débat démocratique sur les finalités critiques et civiques de l'histoire.

Laurent Colantonio, Sylvie Aprile, Anne Jollet, Fanny Madeline, Laurence de Cock, Véronique Servat,  Aurore Chery, Jean Vettraino, Blaise Dufal, Catherine Coquery-Vidrovitch (membres du CA du CVUH) et Michèle Riot-Sarcey.

dimanche 10 juin 2012

"Métronome" : un succès historique ?


"Métronome" dans ses différentes versions (brochée, 
brochée illustrée et télévisée)


Souvenez vous, c'était en septembre 2009. Lorànt Deutsh publiait sa première Histoire de France au rythme du métro parisien intitulée "Métronome". Porté par une critique unanime, le livre, devenu best-seller, s'est durablement installé dans les rayons histoire et sciences humaines des distributeurs. Ainsi adoubé, les produits dérivés de l'exemplaire d'origine (version illustrée, documentaire pour France 5, site internet avec carte interactive) se sont multipliés. Miraculeusement, Lorànt Deutsh semble avoir réussi, là où les historiens échouent : rendre leur discipline populaire et accessible. 

Mais quelle histoire nous donne-t-il à lire ? Livre en main, William Blanc et Damien Boone nous proposent deux lectures critiques... 


 Métronome de Lorànt Deutsch. 

Un défi lancé aux historiens. Les historiens ne peuvent ignorer Métronome de Lorànt Deutsch. Vendu à plus d'un million et demi d'exemplaires, vu par 1,3 million de téléspectateurs lors de la seconde diffusion en prime time sur France 5 le 4 juin 2012, l'ouvrage est devenu un vrai phénomène social et même historiographique qu'il convient d'analyser, ne serait-ce que parce qu'il remet en cause, sur un ton très badin, les fondements mêmes de la discipline historique. 

 Les choix de Lorànt Deutsch

L'acteur, qui prétend remettre de l'ordre dans une histoire qu'il estime « déséquilibrée » [1], ne cesse par exemple d'étonner par ses choix. Dans le chapitre consacré au XXe siècle, alors qu'il décrit sur une page et demie la manifestation d'extrême droite du 6 février 1934 [2], il ne consacre ainsi que trois lignes à l'Occupation allemande en évitant soigneusement de parler de toute collaboration [3]. Pour le reste, le lecteur attentif redécouvre un récit héroïque comme pouvait le proposer Le Tour de la France par deux enfants. Les rois et les saints catholiques en sont les héros et le moteur. Paris, et a fortiori l'État, leur doit tout. Preuve en est des monuments qu'ils auraient laissés là comme autant de marques de la permanence de leur œuvre. Face à eux, un peuple informe, jamais individualisé (sauf par quelques rares tribuns toujours issus des classes aisées), s'opposant toujours sans que l'on sache trop pourquoi au « progrès » impulsé par les monarques, dont la caractéristique la plus saillante reste la violence aveugle qui l'aurait amené à détruire lors de la période révolutionnaire une partie de ce patrimoine qu'affectionne tant Lorànt Deutsch [4]

La différence de traitement est criante lorsqu'on analyse le traitement des mouvements populaires dans le Métronome. Alors que 8 pages sont consacrées à saint Denis, 13 à sainte Geneviève, 15 à Pépin le Bref, la Commune de Paris et ses 20 000 morts n'ont droit qu'à un petit paragraphe. Et en quelques lignes, pas question d'expliquer pourquoi le peuple parisien s'est soulevé en 1871. Tout au plus l'acteur parle-t-il d'une « fureur populaire » [5] venue d'on ne sait où et de soldats rompant les rangs, parce que « fatigués, démoralisés, déboussolés. » [6]. L'épisode de la Commune sera même ignoré lors de l'adaptation télévisuelle au profit d'un panégyrique de l'oeuvre d'Haussmann. 

Pour comprendre la construction de ce récit, il suffit de prêter attention aux déclarations de l’acteur qui affiche bien haut ses convictions royalistes et catholiques ultra et milite pour un « nouveau Concordat ». Il affirme ainsi que « sans religion et sans foi, on se prive de quelque chose dont on va avoir besoin dans les années à venir » et que l'Histoire « de notre pays s’est arrêtée en 1793, à la mort de Louis XVI. Cet évènement a marqué la fin de notre civilisation. » [7] Autant de convictions, en fin de compte, qui le poussent à remettre au goût du jour un récit héroïque poussiéreux et figé, dédaigneux des débats et des avancées de la recherche historique. Mais jusqu'à quel point ? 

 Aux sources de la méthode Deutsch 

Après analyse, il s'avère que Lorànt Deutsch va jusqu'à inventer des faits pour embellir son histoire. Le Louvre aurait été ainsi construit par le père de Clovis (preuve de la permanence de l'action royale), et les communards auraient tenté de détruire la colonne de Juillet en la bombardant depuis Montmartre (preuve de leur violence aveugle). Pinaillages, nous répondra-t-on ! Pas si l'on comprend que ce procédé interroge la limite de l'Histoire. S'il est entendu qu'elle ne peut (et ne doit) pas être l'apanage des seuls historiens, s'il est entendu qu'elle soit vulgarisée, il est essentiel qu'elle obéisse à certaines règles scientifiques, dont la lecture et la critique des sources (que Lorànt Deutsch ne cite presque jamais) restent la clef. Oublier ce principe, c'est laisser la porte ouverte à toutes les inventions, à toutes réécritures, même les plus nauséabondes. On nous objectera que Lorànt Deutsch se défend parfois d'écrire de l'Histoire. C'est oublier un peu vite qu'il prétend, en introduction de Métronome, le contraire (« L'Histoire est devenue mon métier » [8]), qu'il clame dans certaines interviews être soutenu par des historiens et que son livre est vendu, dans les librairies, au rayon histoire. 

Ces erreurs ne constituent pas un simple oubli. Lorànt Deutsch oppose en effet très clairement son idéologie et le fait scientifique lors de son passage sur France Inter dans l'émission Les Affranchis du 18 avril 2012 : « L’idée n’était pas le fait, mais le fait ne doit pas l’emporter sur l’idée. Par moment, c’est l’idée qui est constitutive d’une réalité historique même si elle n’est pas inscrite dans le fait, elle est inscrite dans l’idée, c’est-à-dire qu’on voulait le faire, qu’on y pensait, c’était quelque chose de projeté. L’idéologie ne doit pas être détruite au nom du fait scientifique. » La dernière opposition est intéressante à plus d'un titre. L'acteur place autoritairement les historiens dans la position des défenseurs d'une science « froide », figée dans le rôle d'énonciateurs de faits imposés sans débat (alors que la science historique repose au contraire sur un débat aux règles acceptées par tous).

 La construction d'une autorité 

Pourtant, au contraire d'une science débattue publiquement, Métronome représente bien un point de vue imposé d'un haut et érigé en fait indiscutable parce qu'indiscuté, jusqu'à en faire un ouvrage de référence. Ignoré par la plupart des spécialistes de moins en moins enclins à verser (faute de temps, de volonté, d'accès aux médias) dans l'exercice difficile (et pourtant essentiel) de la vulgarisation, adoubé par des responsables politiques (Robert Hue, mais aussi Bertrand Delanoë qui lui a remis, le vendredi 4 juin 2010, la médaille vermeille de la ville de Paris pour son livre) et scolaires (Lorànt Deutsch est intervenu plusieurs fois devant des classes) et surtout encensé par la presse écrite et audiovisuelle qui n'hésite pas à le présenter comme un livre d'Histoire [9], Métronome est en passe de faire autorité pour ses millions de lecteurs, une autorité construite médiatiquement qu'il est de plus en plus difficile de remettre en cause depuis son adaptation télévisuelle en avril 2012 sur une chaîne de service public. 

L'action des historiens de terrain et des éducateurs populaires, incitant plus à la réflexion et au débat qu'à la consommation d'images d'Épinal, s'en trouve mis à mal. Des années de travail patient, loin, très loin des cercles médiatiques dominants, sont parfois à reprendre à zéro face à cette offensive (dont Lorànt Deutsch n'est que l'exemple le plus connu. Nous pourrions, par exemple, parler des ouvrages de Franck Ferrand et de Dominique Casali) qui voudrait que l'Histoire se fige dans un réflexe identitaire crispé, où les Gaulois restent à jamais « nos » ancêtres, les saints « nos » saints (Lorànt Deutsch ne cesse d'employer le possessif en parlant d'eux) et les rois des héros. Un retour aux mythes inviolables chers à Barrès en contradiction avec la construction d'une société de citoyens libres. 

 Le Métronome. Une nouvelle histoire libérale ? 

L'analyse ne serait pas complète sans envisager Métronome pour ce qu'il est : un produit de consommation de masse, décliné sur plusieurs supports (écrit, audiovisuel, multimédia) dans lequel deux grands groupes industriels (France Télévision et la RATP) ont investi massivement (plus d'un million d'euros pour la série télévisée Métronome) et dont ils espèrent des retombés en terme d'image et de profit. Certes, cela a un goût de déjà-vu si l'on regarde la querelle opposant Pierre Vidal-Naquet à Bernard Henri-Lévy entre une histoire de qualité et un faussaire médiatique [10]. Mais le contexte a bien changé. À une époque où des menaces fortes pèsent sur les services publics de l'éducation et de l'université [11], Métronome est symptomatique d'une histoire qui se voudrait immédiatement rentable, purement utilitaire et en fin de compte privatisée, où celui qui possède de moyens financiers conséquents et un capital social important (sous forme de réseaux médiatiques), impose son point de vue à l'ensemble du public. Dans cette Histoire, la forme, inspirée des techniques de communication moderne et du storytelling (impossible en effet de détacher Métronome du récit, sans cesse répété, de son « auteur », sorte de cancre devenu historien à la seule force de sa passion, un « bon » opposé - dans un réflexe à nouveau très barrésien - à des « méchants » que sont les professeurs et les chercheurs [12]), importe plus que le fond, au point de ruiner, comme l'expliquait Cornelius Castoriadis, un « espace public de pensée » [13]

Que faire maintenant ? Réagir, réagir encore, et prôner, au sein des médias, un sain retour à la controverse public [14], sans laquelle il ne peut exister de science en démocratie. 

William Blanc
Président de l'association d'éducation populaire Goliard[s]
Doctorant en histoire médiévale


Pour plus d'informations 
Une analyse de la vision de Lorànt Deutsch de la Révolution française : http://www.goliards.fr/goliardises-2/la-revolution-version-deutsch-ou-lhistoire-yop/ 
Une analyse générale du phénomène Métronome : http://www.histoire-pour-tous.fr/actualite/58-television/4102-pour-en-finir-avec-lorant-deutsch-et-le-metronome.html William Blanc Président de l'association d'éducation populaire Goliard[s] Doctorant en histoire médiévale


Notes : 
1. Propos de L. Deutsch in Olivier Bailly, « Entretien avec Lorànt Deutsch : l'histoire sur toute la ligne », Nouvel Observateur, le 3 décembre 2009. 
2. DEUTSCH Lorànt, Métronome [version non-illustrée], Paris, Michel Lafon, 2011, p. 363-364. 
3. Idem, p. 361. 
4. Idem, p. 49, 53, 98, 108, 128, 139 et 323-337. 
5. Idem, p. 353. 
6. Ibidem. 
7. Interview de Lorànt Deutsch au Figaro le 5 mars 2011. 
8. Métronome, op. cit., p. 10. 
9. « Certes il a écrit son texte, mais il n’a pas inventé l’histoire. Il l’incarne avec justesse. C’est autant le bouquin d’un dévoreur d’histoire que celui d’un piéton parisien. », nous explique Olivier Bailly, loc. cit. Sa consoeur, Odile Quirot, nous explique que le Métronome est « un pavé d'une science impressionnante. » et que, si Lorànt Deutsch a d'abord lu des romans historiques, « il s'est plongé plus tard dans Michelet et Braudel. » Odile Quirot, « Lorànt Deutsch, le titi parisien », Le Nouvel Observateur, 6 novembre 2009. L'allusion à Braudel est évidemment faite pour donner une caution scientifique à l'ouvrage. 
10. Voir pour cette controverse passionnante, le site suivant : http://www.pierre-vidal-naquet.net/spip.php?article49
11. Voir par exemple ce texte du collectif Sauvons l'université, « Quelle Europe pour l’université ? » : http://blogs.mediapart.fr/edition/observatoire-des-reformes-des-systemes-de-formation-enseignement-et-recherche/article-89. 12. « Ce n’est pas l’école qui a amené Lorànt Deutsch à l’histoire, mais Paris. C’est en déambulant dans la ville qu’il s’est pris de passion pour elle. Il avait à peine quinze ans. » Olivier Bailly, loc. cit. Sur le storytelling, voir SALMON Christian, « Une machine à fabriquer des histoires », Le Monde diplomatique, novembre 2006 (voir en ligne : http://www.monde-diplomatique.fr/2006/11/SALMON/14124. Du même auteur, Storytelling la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, Paris, La Découverte, 2007. 
13. Voilà ce qu'écrivait Cornelius Castoriadis en défense de Pierre Vidal-Naquet : « Plus insidieuse, l’imposture publicitaire n’est pas, à la longue, moins dangereuse que l’imposture totalitaire. Par des moyens différents, l’une et l’autre détruisent l’existence d’un espace public de pensée, de confrontation, de critique réciproque. La distance entre les deux, du reste, n’est pas si grande, et les procédés utilisés sont souvent les mêmes. » Cornelius Castoriadis, « L’industrie du vide », Le Nouvel Observateur, 9 juillet 1979. Ce texte, essentiel, est disponible à l'adresse suivante : http://www.pierre-vidal-naquet.net/spip.php?article49 et a été reproduit dans CASTORIADIS Cornelius, Domaines de l’homme. Les Carrefours du labyrinthe II, Paris, Seuil, 1986, pages 32 à 40. 
14. Sur l'importance des controverses en sciences « dures » et « molles », voir LATOUR Bruno, Cogitamus. Six lettres sur les humanités scientifiques, Paris, la Découverte, 2010, notamment p 151 à 183.



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"Lorànt Deutsh est entré dans
l'Histoire" - métro parisien.
[@GregSoussan]

"Métronome" Grand format dans le métro
parisien.
















Métronome, l'histoire de Lorànt Deutsch. 

Lorànt Deutsch, dans son ouvrage "Métronome", relaie une vision de l'histoire à partir des mêmes principes à l'aune desquels a été « inventée » la nation au XIXe siècle, c'est à dire via la construction d'un imaginaire national sous forme romancée. Cependant, là où l'histoire du XIXe faisait des Gaulois ou des révolutionnaires des figures centrales, Deutsch s'attache davantage à des repères religieux et royaux. L'ouvrage et son adaptation en série télévisée révèlent une vision de l'histoire partiale et dépourvue d'ambition scientifique, mais commercialement efficace. 


Dans la lignée des polémiques qui ont accompagné la sortie du livre de Lorànt Deutsch, Métronome, et la diffusion de son adaptation télévisée sur France 5, l'article publié fin mai par rue89 et les réactions de riverains qu'il a suscitées réveillent de vieux débats sur ce qu'est l'histoire, la manière dont elle est construite, et les usages que l'on en fait. Il lui est reproché de se revendiquer historien sans appliquer les préceptes de la discipline qu'il prétend pratiquer. Si l'opération de sélection des faits à laquelle il se livre n'est pas en soi contestable, l'histoire étant avant tout un travail de sélection, ce qui pose problème d'un point de vue scientifique est que cette sélection est parfois entachée d'erreurs factuelles et, surtout, elle semble reposer sur les propres convictions idéologiques de l'auteur : au final, la lecture et le visionnage de Lorànt Deutsch, en reprenant leur mode de construction mais à rebours de l'idéologie des manuels scolaires rédigés sous la Troisième République, donnent le sentiment que l'histoire de France suivait une direction cohérente jusqu'à la période révolutionnaire. 

L'histoire, un travail de sélection 

Parmi les reproches fréquemment adressés à Lorànt Deutsch figure celui d'une vision partielle de l'histoire. En fait, c'est la nature même de la démarche historique qui appelle des choix : il s'agit de rendre visible le passé. Mais comment ? Les ancêtres n'ont pas rédigé de testament indiquant ce qu'ils souhaitaient transmettre aux générations suivantes... Et quels ancêtres choisir ? Il ne s'agit donc pas d'inventorier un héritage, mais plutôt de l'inventer. Si Fénelon souhaitait que le « bon historien » ne fût « d'aucun temps ni d'aucun pays », cette exigence est aujourd'hui reconnue comme illusoire : c'est inversement à partir de son temps et de son pays que l'historien travaille et donne une unité rétrospective à ce qui n'a jamais existé que sous la forme d'une diversité confuse ; ainsi, le passé peut constamment être redécouvert ou relu à l'aune de valeurs différentes. L'objectivité de l'historien consiste davantage à exposer ses principes de recherche et d'interprétation (définir précisément son matériau, critique des documents, compréhension des faits) qu'à se prétendre « neutre ». L'historien est ainsi l'interprète du passé : pour imager le propos, l'histoire serait une toile d'araignée dont les points d'intersections sont des documents et les fils l'imagination historique de l'historien. C'est précisément là que le bât blesse pour Lorànt Deutsch.

« L'invention » de la France 

Entre le travail propre des historiens et ce que la majeure partie de la population en sait par le biais des manuels auxquels elle est familiarisée durant sa scolarité, il existe de nombreuses étapes. En France, le cadre réglementaire du contenu des manuels scolaires a un cheminement complexe, et vient en partie expliquer la façon dont Lorànt Deutsch romance le Métronome : c'est sous la Restauration que ce contenu devient un enjeu de débat : il s'agit de souligner que le présent s'ancre dans la continuité historique et doit se lire comme un aboutissement. Le but est de construire une histoire commune à tous les Français, quelles que soient leurs origines. A travers l'école, pensée comme un puissant instrument d'intégration nationale, les écoliers, durant les décennies suivantes et particulièrement sous la Troisième République, apprennent une histoire fondée sur des faits saillants et sur les figures de ceux qui ont eu « une influence sur les destinées des peuples ou sur la marche générale de l'histoire », comme le mentionne la circulaire du ministre Fortoul en 1852. Ainsi, dans le contexte post-révolutionnaire et au cœur du mouvement européen de création des identités nationales au XIXe siècle, l'histoire a une fonction éminemment politique : des chercheurs tels que Benedict Anderson ou Anne-Marie Thiesse ont souligné le caractère construit des nations et des identités nationales, à contre-courant de l'idée selon laquelle l'appartenance à une nation se baserait sur une filiation issue de grands ancêtres et que l’existence des nations remonterait à la nuit des temps [1]

Sous l'Ancien Régime, on avait vu apparaître Clovis comme héros dans l'historiographie : il était considéré comme le fondateur de la royauté française et, à ce titre, représentant de l'affirmation de la vraie naissance de la France (avec un roi digne de ce nom). Les Francs étaient célébrés pour leur bravoure, leur noblesse morale... et aussi parce que de l'invasion des Francs date la division entre nobles et roturiers. D'où leur opposition politique aux Gaulois, qui vont être brandis en 1789 comme les vrais ancêtres des Français, les références institutionnelles ayant changé à la Révolution : les Gaulois contre les Francs, c'est le peuple, nouvellement promu, contre les nobles, nouvellement déchus. Sous l'action des historiens libéraux du XIXe siècle, les Gaulois vont peu a peu vaincre les Troyens, les Celtes et surtout les Francs, leurs concurrents frontaux dans le concours du « meilleur ancêtre » et du « meilleur représentant de l'identité nationale », la Troisième République étant l'apogée des usages du « mythe » gaulois, à travers des ouvrages tels que Le tour de la France par deux enfants d'Augustine Fouillée et L’histoire de France d’Ernest Lavisse. Ces événements sont ainsi relus et réinterprétés comme événements fondateurs dans le cadre d’un projet politique qui leur est postérieur de plusieurs siècles : la République [2]

Ce long détour par la façon dont l'histoire est construite et la construction de l'identité nationale vise à illustrer l'idée que Lorànt Deutsch procède de façon similaire dans son Métronome. Il considère en effet que les événements forment un ensemble orienté et signifiant, à l'aune de grandes figures qui auraient impulsé ce mouvement. À la différence près que les héros de l'auteur ne sont pas ceux qui sont traditionnellement identifiés comme tels. Ainsi, de nombreux blogueurs y ont remarqué l'omniprésence des rois, chefs et saints, considérés comme les figures centrales voire les moteurs de l'histoire de France. A l'inverse, les mouvements qui tentent de subvertir l'ordre établi - comme la Révolution de 1789 - sont associés à la « fureur populaire », à la « foule en colère » [3] , soit une vision homogénéisante proche de la psychologie des foules incontrôlables chère à Gustave Le Bon. D'autres sont expédiés en quelques lignes, comme la Commune de Paris. De ce point de vue, la fonction matricielle de l'histoire, en tant que fondement du sentiment d'appartenance nationale, n'a pas disparu : on retrouve aisément une lecture du passé qui repose sur des jalons biographiques (les grands personnages) et des événements emblématiques véhiculant une version héroïsée d'un récit constitutif de la grandeur nationale. Le Métronome est donc aussi une contribution à l'édification d'un imaginaire national : l'existence d'un héritage commun, mythe nécessaire à une forme de cohésion nationale, n'est finalement pas contestée quelles que soient les options politiques de ceux qui l'érigent : c'est sa composition qui varie. 


 Lorànt Deutsch, historien d'une cause 

L'ouvrage de Lorànt Deutsch est en effet fortement marqué du sceau des convictions idéologiques de son auteur. Royaliste (« de gauche ») assumé, il déclarait récemment : « pour moi, l'histoire de notre pays s'est arrêtée en 1793, à la mort de Louis XVI. Cet événement a marqué la fin de notre civilisation, on a coupé la tête à nos racines [sic] et depuis, on les cherche » (Le Figaro, mars 2011). A la lecture, on constate assez facilement, par la mise en exergue des saints et des rois notamment, que Lorànt Deutsch plaque une sorte de grille d'intelligibilité sur le passé pour essayer de le comprendre, à l'aune de convictions royalistes et catholiques. Sa déclaration au Figaro trahit une conception selon laquelle l'histoire de l'homme aurait une origine, un développement et se dirigerait vers un but qu'il faudra atteindre, à savoir « un concordat », selon le même entretien. 

Se projeter dans l'histoire ne signifie pas y transposer arbitrairement son regard, ses jugements et ses passions. Or Lorànt Deutsch procède à une mise en ordre des événements qui correspond à l'image qu'il voudrait que la société laisse d'elle-même à travers l'héroïsation systématique des mêmes fonctions. Là où le Métronome tend à s'imposer comme une référence historique dans son domaine aux yeux du grand public, son contenu informe moins sur la nature de l'objet analysé que sur le parti pris de son auteur. 

On passera sur les erreurs factuelles, sur le manque de sources, de bibliographie et d'analyse critique des documents, d'autres s'en sont fort bien chargés (ici, , ou encore là). La méthode retenue laisse penser que le moteur de l'histoire est divin et donc transcendant : il n'y a aucune place laissée au hasard des circonstances, puisque cela manifesterait l'impuissance ou l'imperfection divines. Lorànt Deutsch tente de découvrir le sens que Dieu a donné aux événements du serrurier Biscornet à Notre-Dame, qui « signe un pacte avec le Diable », sa tâche étant impossible « sans aide surnaturelle » [4], à Martin de Tours sauvant un lépreux [5] , en passant par l'évêque Marcel tuant « un authentique dragon » [6] , on se demande bien quels faits peuvent étayer ces hypothèses. Sans parler du miracle de Saint Denis qui, bien qu'on eût tranché sa tête au mont des martyrs (Montmartre), parvint ensuite à marcher six kilomètres en la prenant sous le bras avant de s'effondrer sur le lieu de sa sépulture [7] (sans préciser que cette légende n'est issue que de la représentation iconographique des martyrs décapités)... S'en remettre à des explications irrationnelles quand on manque d'explication concrète suggère l'orientation globale d'une temporalité trouvant son point de départ dans la Création. 

La pédagogie du sentiment d'appartenance passe, aussi bien dans l'ouvrage écrit que dans le documentaire télévisé, par l'emploi répétitif des possessifs de la première personne du pluriel (« nous » et « notre ») quand il est question du christianisme et de ses martyrs, comme si ce sentiment d'identité à ces figures était collectif et partagé. Le corollaire de cette valorisation des chefs et des figures religieuses et la quasi-absence des classes populaires, groupes sociaux divers qui sont tout autant constitutifs d'une histoire qui ne serait pas vue « d'en haut ». Les faits s'imposent implicitement, ils ne sont pas le fait d'hommes et de femmes autrement désignés que sous forme globalisante. Encore une fois, quand la politique s'incarne, c'est autour d'individus majeurs (Les rois puis De Gaulle deviennent la France).    

En relayant une vision de l'histoire avant tout marquée par l'action des Saints et autres Rois, Deutsch plaque sur les faits ses propres orientations en suggérant l'ancienneté d'une détermination politique avant tout marquée par l'influence de la chrétienté, et en passant sous silence des faits majeurs, rappelant la façon dont l'histoire fut construite au XIXe siècle et au début du XXe siècle, à l'époque où elle était moins une discipline scientifique qu’une entreprise de construction d’une mémoire nationale, comme nous l'indiquions plus haut. La coupure de 1789 est presque niée, et on croirait presque à une filiation entre mérovingiens et républicains, comme pour mieux rappeler l'antériorité des racines de la France éternelle. Il est dès lors assez farfelu de voir resurgir un modèle dont les évolutions historiographiques ont entraîné de vives critiques envers une histoire enfermée dans un roman national où les dimensions compréhensive, comparatiste et critique sont totalement absentes. 

 Que fait le service public ? 

Ces remarques étant faites, on ne sait pas grand chose de la réception qui est faite par les lecteurs et téléspectateurs de Lorànt Deutsch. Après tout, on peut penser que ceux-ci ne sont pas tous des spécialistes de l'histoire et peuvent dès lors trouver matière à s'instruire en retenant quelques informations ça et là sans forcément saisir ou être influencés par l'idéologie sous-tendue dans le livre et le documentaire. Si l'opération permet à ceux qui ne l'auraient pas fait en d'autres circonstances d'aborder un pan de l'histoire qui leur était méconnu, on ne saurait la disqualifier. Cependant, afin de prévenir toute interprétation partiale de l'histoire, il serait bon que le financeur de l'adaptation télévisée, à savoir le service public (à hauteur d'un million d'euro quand même), s'interroge sur la position et la légitimité des intervenants auxquels il fait appel. On ne peut retirer à Lorànt Deutsch sa passion pour l'histoire, mais elle ne constitue en aucun cas un gage des fondements, historiques ou mythiques, de ses arguments. En fait, il ne semble plus nécessaire de disposer d'un capital proprement scientifique pour se retrouver bombardé présentateur d'une émission d'histoire sur France 5. Dans la tension entre ce qu’est la discipline historique, qui nécessite du temps, et la façon dont elle est relayée dans les médias, dans le but de séduire un public beaucoup plus large que le seul auditoire intéressé par l'histoire, France Télévisions s'en remet à un dispositif mettant en scène une histoire distrayante, qui parle à tous, présentée par un animateur sympathique et connu du grand public, agissant sous la contrainte économique et symbolique du média qui doit « faire de l'audience », et a pour ce faire une certaine conception stratégique : la notoriété acquise par Lorànt Deutsch via ses activités originelles (acteur) et son intérêt revendiqué pour l'histoire semblent contribuer à un travail de sélection purement médiatique des commentateurs. « Bien passer » à la télévision permet de court-circuiter les instances de consécration traditionnelles : laboratoires de recherche, professeurs, instances universitaires. 

Il est à noter que France Télévisions n'en est pas à son coup d'essai en la matière : entre la minimisation des faits de collaboration de Renault, la révision historique du procès de Nuremberg (que rue89 avait déjà soulignée), et les multiples invitations, dans diverses émissions, d'« experts » - sous entendu : neutres et dépourvus de tout intérêt personnel -, en fait des personnalités qui n'ont aucune reconnaissance dans les champs académique et universitaire, alors que c'est précisément par les titres auxquels ces champs donnent droit qu'ils se présentent et sont présentés, le groupe audiovisuel prend de nombreuses libertés avec l'histoire. Avec les critères d'audience, soit l'alignement sur les canons économiques des chaînes privées, comme seule et systématique justification des approximations historiques, le service public audiovisuel semble bel et bien faillir à ses missions d'information et d'éducation. Il n'est bien sûr pas question de mettre en question la légitimité de Lorànt Deutsch à parler d'histoire ; il s'agit de situer le personnage et de comprendre quel sens de l'histoire il véhicule, au delà des mystifications selon lesquelles Métronome ferait autorité dans les milieux historiens. Au vu du succès des entreprises de Lorànt Deutsch, l'enjeu éducatif et civique semble de taille. La vigilance s'impose donc chez les lecteurs et téléspectateurs : le Métronome est l'histoire de Lorànt Deutsch

 Damien Boone Doctorant en science politique (CERAPS-Lille2)

Notes
[1]    Sur ce point, voir : ANDERSON Benedict, L'imaginaire national : réflexions sur l'origine et l'essor du nationalisme, Paris, La Découverte, 1996 (traduit de Imagined Communities: Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, London, Verso, 1991) et THIESSE Anne-Marie, La création des identités nationales, Paris, Seuil, 1999.
[2]    CITRON Suzanne, Le mythe national, l'histoire de France en question, Paris, Les Editions ouvrières/ Etudes et documentation internationale, 1987.
[3]    Épisode 2 de l'adaptation télévisée du Métronome (réal F. Hourlier). « Le quartier [du Faubourg Saint-Antoine] est parcouru […] par des essaims de harangères [sic] redoutées pour leur violence et leur vulgarité… Cette population miséreuse, qui appartient au paysage quotidien du faubourg tout en venant de l’extérieur, se montre toujours prompte à exprimer sa colère ! C’est elle qui […] entraîne les artisans sur la route dangereuse de la protestation et de la rébellion » lit-on également dans la première version de Métronome (Paris, Michel Lafon, 2009, p. 327). On peut lire l'excellente critique de William Blanc à ce sujet à cette adresse : http://www.goliards.fr/goliardises-2/la-revolution-version-deutsch-ou-lhistoire-yop/
[4]    Épisode 1 de l'adaptation télévisée du Métronome (réal F. Hourlier).
[5]    DEUTSCH Lorànt, Métronome illustré, Paris, Michel Lafon, 2009, p. 43.
[6]    Idem, p. 57.
[7]    Idem, p. 33. On peut aussi lire p. 39 : « et le miracle eut lieu : saint Denis pris sa tête sous le bras pour une longue marche... »